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Evo, le manipulateur des idealistes.

EVO, LE SOLDAT MYOPE DE MAMA COCA - BOLIVIE, 1993-2013

par Adriaan Bronkhorst. Amsterdam – La Paz

Sans aucun respect pour les premiers peuples de ce monde, sans considération pour leurs cultures aux histoires les plus longues, voilà que la dernière grande nation à apparaître sur la scène mondiale, avec la plus courte histoire de toutes et sur la seule base de préjugés idéologiques, a cru bon d'imposer à ces communautés l'interdiction de leurs plantes divines, pourtant intimement liées à leur essence culturelle et à leur bien-être physique et spirituel. L'utilisation future de ces plantes leur fut interdite. Un pur acte d'ethnocide. Le précieux témoignage des peuples de la nature sur les propriétés et les avantages de ces plantes interdites est désormais refusé à l'humanité, relégué au tabou historique par un acte de falsification planifiée de l'Histoire. La vague de décolonisation balayant le monde dans les années 60 fut bientôt remplacée par une colonisation yankee, celle de la pensée de la population mondiale, par le truchement de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. L'ONU, pourtant chargée par sa Charte de promouvoir la paix et la sécurité, a ainsi fait taire les gens qui auraient pu nous apprendre de leur expérience millénaire à enfin vivre en paix avec la Terre.

Cette arrogance incarnée par la Convention unique fut évoquée par M. Ossio Sanjinés, Président par intérim de la Bolivie, dans sa lettre de recommandation en faveur de Mauricio Mamani Pocoaca, premier pacifiste de la drogue à avoir été nommé par le Drugs Peace Institute (DPI) pour le prix Nobel de la paix. (pour une copie de la lettre voir ci-dessous). M. Sanjinés a écrit: «La lutte pour promouvoir les avantages de la feuille de coca, comme avec toutes les autres plantes qui représentent traditionnellement la culture des peuples andins, est et a été longue et difficile, en raison souvent de l'ignorance du public, voire d'une désinformation sur ses usages. La vérité est que la feuille de coca doit faire l’objet d’une grande réflexion sur ses mérites intrinsèques, au service des peuples andins comme de l’humanité en général. » Ossio Sanjinés a exprimé les sentiments d'incrédulité et de colère d'une nation qui, après des siècles d'Inquisition, a pu observer comment les nouvelles Nations Unies avaient permis aux protestants blancs anglo-saxons et à leurs alliés de détruire la vie spirituelle des peuples andins en interdisant la coca, tout en prétendant garantir la liberté de religion avec l'adoption de la Charte internationale des droits de l'homme.

Flyer pour le prix Nobel de la paix 1994 (NPP) «The Drug pacifists» et le premier candidat, Mauricio Mamani Pocoaca
cocaCandidatos
Nominés pour le NPP 1996 : Ben Dronkers, John Marks et Evo Morales Ayma (Morales fût aussi nominé en 1995)

Ossio Sanjinés a été rejoint dans son soutien à Mauricio Mamani par une partie écrasante de la société bolivienne et le DPI a alors organisé en 1995 la nomination d'Evo Morales, leader syndical des cocaleros (cultivateurs de coca) de la région andine. Nomination appuyée par les partis européens verts et de gauche. Partant du constat que la guerre contre la drogue punit à tort tous les utilisateurs de substances interdites et qu'une unité d'action est nécessaire pour libérer ceux-ci de tous les persécutions de ce régime pénal, le DPI favorise la coopération mutuelle. L'ensemble de l'exercice a donc été répété en 1996 lorsque Ben Dronkers, grand cannabinophile et le célèbre médecin de la Mersey Side, John Marks, ont rejoint le ticket.

En conséquence immédiate, le don substantiel de la Sensi Seeds Bank de Dronkers à Morales a permis à ce dernier d'acheter un véhicule 4X4 et d'ainsi pouvoir visiter son électorat dans la vaste région du Chapare pour participer aux élections nationales de 1997 et remporter ses 4 premiers sièges à la Chambre des députés. Lors de son investiture en tant que président de la Bolivie en 2006, il a déclaré qu'il devait son succès politique dans une large mesure aux mouvements européens du cannabis et en particulier à Ben Dronkers. Le 4X4 reçu en dotation sera ainsi exposé dans le hall d'entrée du Musée en son honneur dans sa ville natale Orinoca, durable témoignage de sa gratitude.

Pendant ce temps, la prise de conscience internationale de la grande valeur des plantes psychoactives pour la survie des cultures traditionnelles a été démontrée avec la Convention de Vienne de 1971 sur les substances psychotropes qui traite, entre autres, des composés psychédéliques comme la psilocybine et la mescaline, naturellement présents dans les champignons psilocybines et les cactus peyotl et San Pedro. La nouvelle convention a supprimé l’obligation de la Convention unique de mettre fin à l’utilisation traditionnelle «quasi médicale» des plantes considérées. Cette fois, les États-Unis ont convenu «d'un consensus sur le fait qu'il ne valait pas la peine d'essayer d'imposer des contrôles sur les substances biologiques à partir desquelles des substances psychotropes pourraient être obtenues» parce que «les Indiens d'Amérique aux États-Unis et au Mexique utilisaient le peyotl dans les rites religieux, et l'abus de la substance était considérée comme un sacrilège ». Le délégué mexicain a ajouté qu'une telle interdiction serait en conflit avec la Constitution mexicaine, qui stipule que tous les hommes sont libres d'avoir les croyances religieuses de leur choix et de pratiquer les cérémonies ou actes de dévotion appropriés dans les lieux de culte ou chez eux. Dès lors, il fut officiellement admis que l'utilisation bénéfique d'une substance est possible en tant que résultat d'un processus social d'accompagnement et d'orientation.

Contrairement à la feuille de coca, mâchée par les peuples Aymara et Quechua des Andes chez qui l'abus est aussi un grand sacrilège, la Convention de Vienne a abordé des substances dont l'usage religieux, en l'occurrence le peyotl, est pratiqué par les peuples autochtones aux États-Unis. L'argument décisif pour le revirement, nulle part mentionné, serait le fait que la constitution américaine protège également l'usage traditionnel de substances psychédéliques en vertu du droit à la liberté de religion, de sorte que, contrairement aux plantes comme le cannabis et la coca qui n'avaient pas dans ce pays un usage traditionnel, l’usage du peyotl devait être accepté. Pour des raisons tactiques, cet argument, en contradiction flagrante avec le régime de contrôle des drogues, n'a pas été avancé par les États-Unis qui, au contraire, ont présenté leur accord avec cet usage traditionnel dans la Convention de 1971 comme une concession à la communauté internationale. Cette approche leur a permis de répéter le retournement dans la direction opposée lorsque, en 2009, la Bolivie a cherché à supprimer la disposition selon laquelle «la mastication de la feuille de coca doit être abolie» de la Convention unique afin de concilier ses obligations conventionnelles internationales avec sa Constitution de 2009, qui oblige à faire de la feuille de coca un élément du patrimoine culturel bolivien. Les États-Unis ont convoqué un groupe « d’amis de la convention » pour se rallier à ce qu’ils percevaient comme une atteinte à l’intégrité du traité et ont réussi à contrecarrer la tentative de la Bolivie d’amender la convention unique. Une deuxième tentative de la Bolivie, quitter la Convention et revenir avec une réserve sur la mastication traditionnelle de la coca, a été couronnée de succès en 2013. Bien que les États-Unis aient recruté l'ensemble du G8 pour s'y opposer, le nombre final d'objections était loin des 62 (un tiers des 184 membres de la convention) requis pour invalider la réservation. Les amis de l’ethnocide ont été vaincus par le président bolivien Evo Morales Ayma dans sa quête de réparation pour l’écrasement de 500 ans des cultures du peuple andin.

Cette remarquable victoire du président bolivien a cependant confirmé le fait troublant que toutes les superpuissances étaient toujours en faveur de la politique de contrôle ethnocidaire des drogues de 1961, sans apparemment se sentir entravés par leurs obligations au titre de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Déclaration des Nations Unies de 2007 sur les droits des Peuples autochtones. Martin Jelsma, de l’Institut transnational, parle de «la nature inquisitoire» de l’attitude de l’ONU, nous rappelant l’histoire coloniale qu’Ossio Sanjinés, Evo Morales et leurs collègues sud-américains voient perpétuée par l’interdiction des drogues. Il montre que malgré un demi-siècle de sensibilisation aux peuples autochtones, la Charte des Nations Unies et les traités sur les droits individuels et collectifs doivent céder le pas une fois que le régime mondial de la drogue entre en jeu.  L'ethnocide des cultures traditionnelles par les parties contractantes aux conventions de contrôle des drogues est ainsi considéré comme une fin logique, voire acceptable.

Malheureusement, Evo s'est replié sur sa propre position prohibitionniste. Ayant obtenu une autorisation méritée pour l’usage traditionnel de feuilles de coca à mâcher pour les peuples autochtones de son pays, il a pourtant alourdi les sanctions pour l’usage d’autres substances, à commencer par la cocaïne et la marijuana. Pour apaiser ses détracteurs prohibitionnistes, il s’est toujours tenu à son slogan «Coca no es cocaina», mais en fin de compte il a oublié que les consommateurs de coca et de cocaïne sont tous des humains, ayant droit à la même protection des  droits de l’homme. Alimenté par 500 ans d'assujettissement et d'humiliation, sa haine contre les anciens colonisateurs justifierait une punition qui, selon ses propres mots, pourrait durer encore 500 ans. L’ironie de la «nouvelle» politique de prohibition de Morales est que, sous le couvert d’une société plus représentative, il l’a en quelque sorte intégrée dans la nouvelle organisation constitutionnelle de la Bolivie, appelée de nos jours un État plurinational. Dans cet État, différentes nations - groupes culturels ou ethniques - semblent avoir des droits différents. Mais ces droits ne sont pas toujours définis en fonction des souhaits et des besoins des différentes nations mais du dirigeant et de son désir de punition, comme la prohibition l'a toujours fait.

Imaginez que Nelson Mandela, au lieu d'argumenter pour abolir l'apartheid en Afrique du Sud, ait stratégiquement changé de position et argumenté pour faire des exceptions au sein de l'apartheid? Mandela ferait une exception pour les Xhosa et, en échange, se rangerait du côté du régime de l’apartheid? Une position étrange, difficile à concevoir et intenable à justifier ! Evo l'a cependant fait et s'est rangé du côté de la prohibition. Dans la terminologie sud-africaine, Evo est de retour aux Bantoustans. Evo nous donne raison : pas d'exceptions, pas de réformes, seulement la fin de la prohibition, sinon la corruption du pouvoir continuera la prohibition, pour ceux ayant des préférences de consommation différentes de celles des dirigeants, trop myopes pour percevoir ce qui sort de leur vision traditionnelle et pour en reconnaître les avantages.


 

                                                                                                                                Version française ci-dessous
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La Paz, Bolivia 14 de Julio de 1993.

 

 

Señor
Adrian Bronkhorst IRDRHR i.o.
Casilla Posta 1 15563 NL-10 0 NB Amsterdan Holanda

Estimado señor Bronkhorst:

La lucha por reinvindicar los benefi­ cios de la hoja de coca, así como de todos aquellos cultivos que tradicionalmente representaron la cultura de los pueblos andinos, es y ha sido larga y difícil, muchas veces por desco­ nocimiento del público y otras por ta tergiv ersación de sus aplicaciones. Lo cierto es que ‘la hoja de coca deberla ser objeto de una reflexión mayor sobre sus méritos intrínsecos al servicio de los pueblos andinos y de la humanidad en general.
En esta lucha por restablecer, en su justa proporción, el cultivo de la hoja de coca como patri mo­ nio de las culturas andinas, nadie ha realizado mayores inves­ tigaciones científicas que el antropólogo Mauricio Mamani Pocoaca, actual Diputado Nacional, en auténtica representación de la nación aymara a la que pertenece y defiende denodadamen- te.                                        ·
Es en atención a estos antecedentes que apoyo la nominación del Sr.Mauricio Mamani Pocoaca al Premio Nobel de La Paz 1994.
Con este grato motivo, reitero a Ud. , las expresiones de mi consideración más distinguida.

eerrtt

Dr. Luis Ossio Sanjinés PRESIDENTE CONSTITUCIONAL INTERINO DE BOLIVIA
PRESIDENTE DEL CONSEJO NACIONAL DE CIENCIA Y TECNOLOGIA

 

Version française.

 

 

                 La Paz, Bolivie, le 14 juillet, 1993.




Señor
Adrian Bronkhorst
IRDRHR i.o.
Casilla Posta 1 15563
NL-10 0 NB Amsterdan
Holanda

 

Cher Mr.Bronkhorst:

 

La lutte pour réclamer les avantages de la feuille de coca, ainsi que de toutes ces cultures qui représentent traditionnellement la culture des peuples andins, est et a été longue et difficile, souvent en raison de l'ignorance du public et d'autres en raison de la fausse représentation de vos demandes. . La vérité est que «la feuille de coca doit faire l’objet d’une réflexion plus approfondie sur ses mérites intrinsèques au service des peuples andins et de l’humanité en général.

Dans cette lutte pour rétablir, dans sa juste proportion, la culture de la feuille de coca en tant que patrimoine des cultures andines, personne n'a mené de recherche scientifique plus poussée que l'anthropologue Mauricio Mamani Pocoaca, actuel député national, en représentation authentique de l'Aymara nation à laquelle il appartient et défend vigoureusement. ·

C’est à la lumière de ce contexte que j’appuie la nomination de M. Mauricio Mamani Pocoaca pour le prix Nobel de la paix 1994.

C'est avec cette gratifiante raison que je vous réitère les expressions de ma très haute considération.

 

 

Dr. Luis Ossio Sanjinés PRESIDENTE CONSTITUCIONAL INTERINO DE BOLIVIA
PRESIDENTE DEL CONSEJO NACIONAL DE CIENCIA Y TECNOLOGIA