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Entheogenic enthusiasm of a woman participating in the Bwiti ceremony in Gabon

 

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RÉPONSE ENTHÉOGÉNIQUE AU SOMMET DU FUTUR
(version non annotée)

NOTRE PARTENARIAT AVEC LA TERRE MÈRE :
Le sauvetage de l'objectif oublié de développement durable

« ODD 18 : Accès à l'Aliment de la Vie »

« Parce que seule la division peut imposer la mort et la destruction, nous devons
tâcher de nous inclure dans une communauté d'êtres humains, en tant que frères,
en tant qu'enfants appartenant à la grande mère, cette planète Terre, ce qui revient à
nous organiser car mis en face de la mort, nous décidons de vivre. »
(Déclaration de la 5e Assemblée nationale pour l'eau, la vie et le territoire. EZLN)


1. Introduction

Le Sommet de l’avenir et l'invitation oubliée aux Gardiens de l'Aliment de la Vie.
L'appel du Secrétaire général de l'ONU, António Guterres pour le Sommet de l’avenir, prévu du 20 au 23 septembre 2024 (voir Notre Programme Commun) a présenté des idées sur la manière de mieux répondre aux défis actuels et futurs. Le rapport appelle à un regain de confiance et de solidarité à tous les niveaux et invite à repenser fondamentalement notre ordre mondial afin de fournir des services plus équitables et plus efficaces à tous. Personne ne doit être laissé de côté.
Les États membres de l’ONU ont convenu que le sommet devrait se concentrer sur des partenariats visant à promouvoir la paix, les populations, la planète et la prospérité (comme indiqué dans l’Agenda 2030 et l’annexe sur les 17 Objectifs de développement durable (ODD), adoptés en 2015).
La ​​réalisation de ces objectifs est loin d’être un succès et l’échéance de 2030 approche à grands pas. Bien qu’une multitude de personnes et d’institutions aient été invitées à faire entendre leur voix, nous, les consommateurs de l’Aliment de la vie, autrement dit des enthéogènes ou des substances libératrices de conscience, ne sommes pas inclus, malgré la déclaration de 2015 de Health Poverty Action, soutenue par l’International Drug Policy Consortium, qui devient de plus en plus claire :
« La réforme de la politique des drogues est une question de développement : nous ne pourrons pas atteindre les ODD si nous ne mettons pas fin à la guerre contre la drogue. »

Tout comme lors des discussions qui ont présidé à la Convention unique sur les stupéfiants de l’ONU de 1961, nos voix risquent une fois de plus d’être ignorées et l’histoire risque de se répéter, produisant un nouvel échec aux conséquences terribles. Aujourd’hui, il est vrai, plus grave que jamais, car à côté de la vie humaine libre, c’est la survie ultime de la nature qui est en jeu.

Grâce à la ténacité du mouvement international de réduction des risques, le sort des consommateurs de substances psychotropes s’est considérablement amélioré ces dernières années, mais leur position au sein de la communauté internationale n’a fondamentalement pas changé. Outre les fous et les terroristes, nous aussi, les consommateurs de drogues, appartenons à un groupe contre lequel l’humanité prétend devoir se protéger, se sécuriser. Démasquer le mensonge sur lequel repose ce préjugé est une mission que nous ne pouvons pas confier à des tiers. Au contraire, nous devrons l’accomplir et le prouver nous-mêmes. En tant que citoyens du monde, ayant droit à nos croyances spirituelles et au droit d’être entendus, nous souhaitons participer et partager nos connaissances. Il est peut-être trop tard pour le Sommet de l’avenir, mais notre mission ne prendra fin que lorsque notre contribution à l’avenir de la Terre mère sera assurée.

Alors oui, la guerre contre les plantes médicinales de la nature doit cesser si l’humanité veut survivre. Mais pour atteindre cet objectif, l’humanité doit être capable de s’unir autour d’un dénominateur commun, d’un bien commun, d’un idéal partagé qui ne divise pas, comme la religion et l’idéologie, la race et le sexe, mais qui nous rassemble parce qu’il nous appartient à tous et que nous lui appartenons et donc nous appartenons les uns aux autres.

Pour atteindre cet objectif, reconnaître notre planète comme la Terre mère et nos semblables comme des frères et sœurs, tous sous notre garde, nous devons être capables d’écouter la Nature de la Terre dont nous faisons partie. Nous devons être capables de nous retirer des histoires de division que l’humanité crée en permanence, en nous unissant comme une splendide tapisserie dans laquelle nous sommes tous tissés.

L’humanité vit actuellement dans des conditions désastreuses de désunion, mais la nature nous fournit les moyens de percevoir la grandeur de l’ensemble, de nous immerger quand nous en avons besoin dans cette intégralité et de ressentir la divinité de la vie sur Terre – dans toute sa splendeur.
Pour atteindre cet objectif, nous devons mettre un terme à la guerre contre l’Aliment de la vie et réglementer notre accès équitable à celle-ci, afin que tous nos frères et sœurs puissent profiter de la plénitude divine à laquelle nous aspirons tous.
Pour atteindre les 17 objectifs de développement durable, nous proposons donc d’ajouter l’objectif de développement durable 18 : l’accès à l’Aliment de la vie.

Le mensonge invite le mal, la vérité invite la vie
La Convention unique de 1961 (CU de 1961 ou Prohibition ou la Convention) a introduit dans son préambule un récit à double face exprimant l’inquiétude pour la santé et le bien-être de l’humanité en avertissant que la dépendance aux stupéfiants constitue un mal grave pour les individus et pose des dangers sociaux et économiques importants pour la société mais, elle y inclut implicitement aussi les substances non narcotiques et non addictives. Bien que le préambule omette de mentionner les substances non narcotiques, la CU de 1961 les accueille subrepticement dans la grande mêlée de drogues des articles qui suivent.

Certains des médicaments les plus remarquables de la nature, comme le Cannabis sativa L. et l’Erythroxylon coca, ont été immédiatement déclassés car ils ne correspondaient pas à la morale et aux intérêts des élites dirigeantes, étaient mal compris par la médecine moderne ou étaient produits dans des mondes ancestraux hors de portée des marchés occidentaux. Tous les avantages importants de ces médicaments sont censés dépasser les préoccupations de santé décrites dans le préambule de la Convention.

En outre, toutes les addictions résultant de drogues addictives autorisées qui ont remplacé ces médicaments interdits peuvent également ne pas être traitées en raison de l’interdiction des enthéogènes. De cette façon, l’homéostasie humaine – le processus d’autorégulation par lequel les systèmes biologiques tendent à maintenir la stabilité tout en s’adaptant à des conditions optimales de survie – est refusée à cette partie de l’humanité qui s’est maintenue à travers les âges avec l’aide de ces médicaments désormais interdits.

Les préoccupations de la Convention unique pour la santé de l’humanité semblent affecter de manière démesurée les humains qui refusent d’abjurer un « mal » mal inventé, tel que dicté par un maître autoproclamé de la prohibition, même si ce « mal » a été et est toujours le « don des dieux » de la nature à ses utilisateurs. Il est clair que la Convention était une déclaration de guerre mondiale contre les religions de la nature – et contre la nature.

La Convention de 1961 prétend en quelque sorte que l’humanité est supérieure à la nature en affirmant que la liberté que la nature incarne est subordonnée à la liberté que l’humanité a définie dans sa Déclaration universelle des droits humains de 1948 (DUDH). Le mensonge selon lequel l’universalité de nos droits humains n’inclut pas le droit de consommer ce que l’on appelle historiquement l’Aliment de la vie s’est en effet répandu. Ainsi, alors que nous sommes sur le point de conclure un nouveau pacte avec la Terre dans notre quête de survie, la prohibition cherche frivolement à dicter les termes de notre intégration et de notre dialogue avec la nature. Dans le scénario de la CU de 1961, les plantes des dieux, notre Aliment de vie, la nature elle-même, restent exclues de tout dialogue, ce qui maintient la Terre mère asservie, la nature elle-même interdite.

Depuis le début de notre civilisation, nous avons nié que l’humanité fasse partie de la nature, au lieu de son maître céleste. Si nous continuons à ignorer la nature, nous finirons par nous retrouver nous aussi rejetés, avec les restes de la nature, par la Terre mère.

Le préambule de la Convention unique perpétue des mensonges qui masquent des politiques misanthropiques – une dissimulation de l’habitude séculaire des élites dirigeantes qui cherchent à détruire les autres, car elles craignent qu’ils ne sapent l’ordre social qui protège leurs intérêts. Le ‘mal’ que la Convention unique consacre semble être une version moderne de la tromperie crachée par les scribes des dieux d’autrefois pour museler l’esprit de plénitude, la religion du cœur humain.

Pour mieux comprendre les intentions destructrices de la CU de 1961, revisitons l’histoire de la prohibition et rencontrons ses protagonistes mythiques, Adapa, Anu et les autres dieux des scribes qui nous ont conduits jusqu’ici.

 

2. La propagation du mensonge par le musellement de l’esprit

Plantes des dieux, nourriture et eau de vie, plante du battement de cœur et fruit de la connaissance du bien et du mal, sont quelques-uns des noms des substances vénérées par les anciens, mais que notre société a qualifiées de drogues maléfiques. Depuis le début de la civilisation à Sumer, il y a environ 5000 ans, jusqu’à la Convention unique des Nations Unies de 1961, le mensonge et la terreur ont été employés à maintes reprises pour contrôler les substances enthéogènes et persécuter leurs consommateurs. Malgré cela, il existe encore des poches dans des coins reculés de la jungle et dans des retraites de haute montagne presque inaccessibles où, à l’aube, on peut entendre le cri jubilatoire éternel : « J’ai la vie ! » Et l’autre jour, dans un cercle urbain de consommateurs d’ayahuasca, une jeune femme racontait comment la boisson avait changé sa vie. « Non », a-t-elle rétracté, « elle m’a donné la vie. »

Mais au fil du temps, l’esprit vivifiant a été muselé et la vérité a été supplantée par le mensonge. C’est ainsi que l’éclat de la vie a disparu, et que le besoin de beauté artificielle et de projets grandioses s’est accru.

Le Soma et la Vérité dans la Poésie Védique
Pour avoir une idée de l’entrée du Mensonge sur la scène de l’histoire, il faut revenir un instant en arrière et jeter un œil à un livre sacré des Hindous du deuxième millénaire avant J.-C., le Rig-Véda : « Éloge de la Connaissance ». Ses hymnes racontent une histoire, entrecoupée d’exclamations joyeuses, à propos de la boisson qui élève, pour révéler la sagesse et la vérité, et donner la vie.

C’était une époque dont nous ne pouvons que rêver, une époque où le vrai et le faux, le bien et le mal, étaient reconnus instinctivement, don de la boisson Soma, déifiée pour sa « parole de vérité » :

 

« De ces deux-là, ce qui est vrai et honnête, Soma protège et réduit à néant le faux.»

Et, en perdant sa peur de la mort dans le royaume de la conscience cosmique, on devenait immortel:

« Là où il y a des joies et des plaisirs, de la joie et du ravissement,
là où les désirs ultimes sont comblés, là je suis
immortel. Ô goutte de Soma, coule pour Indra. »

La boisson du Soma définit les caractères et les actions des dieux, et de l’auteur qui devient lui-même un maître divin de l’univers sous la devise « N’ai-je point bu du Soma ?

« Dans mon immensité, j’ai surpassé le ciel et cette vaste terre.
N’ai-je point bu du Soma ?
Oui ! Je placerai la terre ici, ou peut-être là.
N’ai-je point bu du Soma ? »

Ces expressions d’immortalité et de souveraineté, de sagesse divine et de connaissance du bien et du mal étaient peut-être les raisons pour lesquelles dans la Bhagavad Ghita, le grand texte théologique hindou suivant, le Soma avait été abandonné et le yoga, art d'échapper à la condition humaine était désormais enseigné par le dieu Krishna. Le yoga, selon Krishna, ne devait être accessible qu’aux Brahmanes et aux Guerriers. Les masses populaires n’étaient jamais censées échapper à leur situation misérable dans la vie, mais devoir endurer une sempiternelle renaissance ! Soma – l’Aliment de la vie de l’Inde ancienne – était devenu une chose du passé, quelque chose à oublier.


La chute de Sumer
Dans ce contexte hindou, nous pouvons mieux évaluer la réponse sémite au problème du contrôle des esprits d’une population immortelle et souveraine utilisatrice des enthéogènes.
Une première chose à garder à l’esprit est le perfide renversement d’Ibbi-Sin, le dernier roi de Sumer, en 2000 av. J.-C., par son général de confiance Ishbi-Erra, l’Amorite. Après être parti de la capitale Ur avec une grande partie de l’armée et les fonds des caisses de l’État pour acheter du grain dont il y avait un besoin urgent et s’être retranché dans la ville d’Isin, Ishbi-Erra laissa les armées envahissantes venues de l’est détruire Ur et ses villes environnantes. Après que le roi ait été fait prisonnier – sans qu'on en entende plus jamais parler – Ishbi-Erra chassa les pillards et proclama son propre règne.
Pour couvrir sa tromperie, lui et ses descendants publièrent des « Lamentations sur la Cité » dans lesquelles les dieux sans cœur étaient tenus responsables de la fin du royaume sumérien et de la destruction de ses villes. Le souverain divin suprême Enlil aurait « par haine » « ordonné la destruction totale d’Ur et décrété son destin que son peuple fusse tué ». L’excuse de cette trahison fut mise dans la bouche d’Enlil lorsqu’il déclara froidement :

« La royauté fut en effet accordée à Ur, mais elle ne lui fut pas accordée pour un règne éternel. Depuis des temps immémoriaux, depuis la fondation d'un pays, jusqu’à la multiplication de son peuple, qui a déjà vu un règne de royauté qui aurait pour toujours préséance ? »


De la désaffection du peuple d'avec ses dieux par la tromperie, il n’y avait qu’un pas pour que les dirigeants trompent le peuple sur la source de la connaissance et de la vérité divine. Même si la véracité avait toujours été désignée comme un héritage sacré du monde spirituel, selon les mots des marchands et de leur dieu Ea [nom akkadien du sumérien Enki], la tromperie se voyait soudainement proclamée comme un attribut de décret divin, un ‘me’ [son ancien nom mésopotamien]. Il n’est pas explicitement indiqué dans les textes que la tromperie avait pris le pas sur la vérité, laquelle n'ayant judicieusement jamais été déclarée. Au contraire, le problème fut résolu d’une manière très simple : en ne mentionnant plus la vérité. Alors qu’à l’époque pré-commerciale et pré-civilisée, la vérité était le bien suprême, un don du dieu suprême du ciel Anu, dans le nouvel ordre mondial d’Ea / Enki, l’art de la tromperie était glorifié.


L’Empire babylonien
Ce changement d’éthique est devenu parfaitement identifiable dans le mythe fondateur d’Adapa, le serviteur fidèle du demi-dieu du commerce Ea, qui a dit à Adapa de manière trompeuse de ne pas accepter la nourriture et la boisson que le dieu du ciel Anu lui offrirait parce qu’il mourrait certainement. Lorsqu’Adapa a refusé la nourriture et l’eau de vie qui lui étaient offertes, Anu lui a demandé la raison. Adapa lui répondit pitoyablement :

Ea mon seigneur m’a dit : « Ne mange pas, ne bois pas ! »

Adapa s’est vu refuser la vie et a été chassé des portes du ciel mais, en raison de son refus d’accepter la nourriture et l’eau de vie, le scribe du demi-dieu du commerce Ea a déclaré que le serviteur obéissant était le plus sage parmi les hommes.
Sans l’illumination de la nourriture et de l’eau de vie d’Anu, la sagesse pouvait être proclamée de manière trompeuse comme venant de l’abîme, l’Abzu, un bassin sous le temple d’Ea. L'histoire « Inana et Enki [Ea] » décrit comment la déesse de l'amour Inana a enivré Enki et s'est enfuie avec tous les mes de la civilisation de sa demeure mythologique dans les profondeurs. L'un des mes était la tromperie :

          

« La sainte Inana a reçu la tromperie, les terres rebelles,
 la gentillesse, le fait d'être en mouvement, d'être sédentaire.»

En présentant la tromperie comme une injonction divine du même ordre que la gentillesse, elle devenait acceptable et endossée officiellement par Inana, la déesse de l'amour en personne.
La relève de la garde aux portes du ciel
Puis, dans l'histoire épique de Gilgamesh au XIIIe siècle avant J.-C., le scribe a donné un traité théologique confus dans lequel l'immortalisé Utanapishtim (nom akkadien signifiant « il a trouvé la vie ») a dit au roi Gilgamesh que cette vie, la vie éternelle - l'immortalité - n'est pas pour les humains. Il fit bannir à jamais le batelier qui avait amené le roi sur les rives du monde des Immortels, séparant symboliquement les mondes jusque-là connectés des dieux et des humains. Pour s'assurer que le message soit bien compris, le scribe fit perdre au roi, lors de son retour dans sa ville d'Uruk, la plante de rajeunissement, qui est l'enthéogène qui génère le divin en nous. Ainsi, alors que jusqu'à ce moment de l'histoire le dieu du ciel avait accueilli les visiteurs avec l'Aliment et l'eau de vie, le serviteur du demi-dieu du commerce, à l'origine de la tromperie, s'assura que personne ne puisse désormais entrer dans le royaume du divin.
Après son arrivée à Uruk, Gilgamesh ordonna au batelier banni d'inspecter les murs de la ville. Avec la fermeture du royaume du divin, ces murs - métaphore des lois du souverain - devinrent ainsi le seul point de référence de la civilisation. La sagesse de la source divine intérieure avait été efficacement muselée ; désormais la compréhension était liée à la voix du palais et de ses facilitateurs financiers. Cette aliénation du cœur fut en même temps le point de départ de l’aliénation de l’humanité par rapport à son environnement naturel.
Il fallut attendre le règne de Nabonide sur Babylone, au milieu du VIe siècle av. J.-C., pour que la sagesse d’Adapa soit publiquement remise en question, par le roi lui-même, lequel avait probablement consommé de l'Aliment ou de l'Eau de vie :

« Le dieu Ilteri m’a fait voir une vision ;
il m’a tout montré.
Je suis conscient d’une sagesse qui dépasse de loin celle de la série des intuitions devisées par Adapa ! »

Ilteri, autre nom du dieu lunaire Sin, était vénéré par Nabonide et fut la cause de sa discorde avec les prêtres de Marduk, divinité patronne de Babylone. On raconte que ces prêtres auraient aidé le roi perse Cyrus à vaincre Nabonide, ce qui a non seulement entraîné la chute de ce dernier, mais également de l’empire babylonien tout entier Le bassin qui, pendant plus de mille ans, avait été considéré comme la source de la sagesse s’était finalement révélée être un imaginaire puits à souhaits, uniquement étayé par la piété de ses prêtres et les armes de l’empire.


La terreur de Yahweh
C’est dans le vide politique et culturel qui s’ensuivit que les prêtres du dieu Yahweh, exilés en Babylonie, élaborèrent leurs propres dogmes religieux, en prenant garde de ne pas répéter les erreurs qui avaient fait chuter le berceau de la civilisation babylonienne, avec sa théologie déformée.
Ainsi, alors que dans l’épopée de Gilgamesh le roi avait reçu l’ordre de quitter le monde des Immortels et n’avait perdu la plante du battement de cœur qu’à la fin du récit, la Bible des Juifs débute par l’interdiction par Yahweh du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Ce fut le premier commandement imprimé dans l’esprit d’Adam et Eve après quoi le scribe les fit immédiatement expulser du paradis pour avoir désobéi au commandement de Yahweh.
Dans l’épopée de Gilgamesh la plante n’avait pas été interdite et aucune loi n’avait été donnée pour compenser la sagesse perdue du cœur. Contrairement à la fin peu concluante de l’épopée de Gilgamesh, la Bible donna une loi divine – la Torah – pour combler le vide laissé par la disparition de la voix divine du cœur. Au lieu du Gouffre d’Ea, il était désormais énoncé que « La crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse ». Et la crainte de leur Seigneur devint la force motrice de la foi juive. La nouvelle loi fut imposée de force à toute la population et les parents furent avertis :

« Et si quelqu’un prophétise encore, son père et sa mère, pour qui il est né, lui diront : ‘Tu dois mourir, car tu as menti au nom du Seigneur.’ Alors ses propres parents poignarderont celui qui prophétise.»

On était loin de l'époque des joyeux oracles poètes védiques et des anciens prophètes dansants israélites. Une période sombre s’ensuivit en Israël. Un seul historien y fait référence, décrivant le massacre des rebelles macchabées après la mort de leur chef Judas Maccabée au milieu du deuxième siècle avant J.-C. :

« Ce fut une période de grande détresse pour Israël, pire que tout ce qui leur était arrivé depuis que les prophètes avaient cessé d’apparaître parmi eux. »

Ce que cette déclaration implique, c’est que la détresse causée par les brutalités de l’oppresseur syrien envers les révolutionnaires judéens ne pouvait être comparée qu’à celle engendrée par la corruption et la cruauté de leurs propres dirigeants cléricaux, en cette période où les prophètes étaient réduits au silence en Israël.
La corruption et la cruauté furent en effet les caractéristiques déterminantes de cette séquence historique.
Jonathan, le cinquième grand-prêtre, avait un frère Jozua, qui s’était lié d’amitié avec le vizir perse Bagoas, lequel avait promis à Jozua de lui donner le poste de son frère Jonathan. À cause de cela, dans le temple, les deux frères se sont querellés, jusqu'à ce que Jonathan tue son frère.
Un peu plus tard, après que les Grecs eurent chassé les suzerains perses, un certain Jason est devenu grand-prêtre à la place de son frère Onias III en offrant au roi Antiochus IV des impôts annuels deux fois plus élevés qu'Onias lui procurait. Trois ans plus tard, alors que Jason envoie à Antioche un parent du nom de Ménélas avec les impôts annuels, le roi confie à ce dernier la charge de grand prêtre après que celui-ci lui ait proposé de payer un tribut annuel encore plus élevé que celui de Jason. Un an plus tard, lorsque Ménélas est accusé par l'ancien grand prêtre Onias III d'avoir offert illégalement des coupes d'or du temple pour s'attirer les faveurs des dirigeants syriens, l'usurpateur le fait exécuter. Après dix ans à ce poste, années au cours desquelles il fait beaucoup souffrir la population de Jérusalem, Ménélas est appelé à Antioche, où le roi Antiochus V ordonne qu'il soit jeté dans une tour remplie de cendres.
La révolte des Maccabées met en lumière une période spirituellement éprouvante pour la population israélite. Il est extrêmement regrettable qu’au lieu de combattre la monopolisation de la voix divine par la Torah en interdisant la consommation du fruit de la connaissance, les prêtres maccabéens se soient identifiés à la Torah au point de combattre la classe sacerdotale pour sa corruption et son inobservance d’une loi qui avait conduit en premier lieu à ces conditions de corruption, fondées qu'elles étaient par l’orgueil clérical.

Il n’est donc pas surprenant que peu de temps après avoir pris les rênes du gouvernement, les nouveaux dirigeants maccabéens soient tombés en proie au même désir de pouvoir et de richesse qui les avait conduits à évincer leurs prédécesseurs Sadokites. Leur roi le plus éminent, Alexandre Jannaeus [127-76 av. J.-C.], était particulièrement craint pour sa cruauté. Pendant la guerre civile juive, alors qu'il dînait avec ses concubines, il assista à la crucifixion de huit cents rebelles après que leurs femmes et enfants aient été tués devant eux.


L'ère de la Vie dans l'étreinte de l'autre
Tandis que les prêtres se battaient pour le contrôle des fonctions de l’État, les masses opprimées cherchaient ailleurs leur libération spirituelle. C’est là que nous devons chercher la source d’un mouvement révolutionnaire visant à abandonner la religion de Yahweh et d’autres dieux effrayants et vengeurs qui terrorisaient la vie des opprimés. Les gens avaient pris conscience que leur salut ne viendrait pas de l’adoration d’un dieu effrayant et autocratique, mais de l’amour du divin intérieur. C’est-à-dire de l’adoration de son dieu personnel, celui qui se révèle à travers le cœur, pour être ensuite compris et adopté par l’esprit. Ce dieu personnel n’avait rien de commun avec les dieux officiels et terrifiants adorés dans tout le monde antique. Ce dieu personnel ne pouvait être trouvé ni dans les cieux ni dans les temples, mais dans l’abandon de son propre ego et l’étreinte de son prochain. Ici, la théologie, l’étude d’une divinité imaginée au-delà de la portée des humains, est devenue l’enthéologie, la recherche du dieu intérieur. Le dieu que les prêtres avaient projeté dans le ciel pendant des millénaires comme un être autonome, souverain et terrifiant, était revenu sur terre, dans le cœur humain, siège naturel de la vie divine intérieure.
C’est un changement de perspective que de nombreux consommateurs de cannabis expérimentent également lorsqu’ils abandonnent leur esprit égocentrique et se concentrent sur leur environnement immédiat. Les gens sont perçus différemment, non plus comme des personnes menaçantes, mais comme des personnes à qui l’on peut faire confiance et avec lesquelles on peut discuter agréablement. Les peurs intimes de chacun sont dévoilées comme des créations de l’esprit, des constructions ridicules d’une imagination paranoïaque. Cela nous rappelle les anciens Scythes, qui riaient de joie en prenant leurs bains de vapeur de cannabis.
L’expérience extatique est bien sûr différente pour chaque personne et peut aller d’un retrait bénin de son propre ego jusqu’à la disparition complète de la conscience de soi, comme le dépouillement de soi ou la kénose, attribuée à Jésus par des sources ultérieures. Dans cet état extatique, Jésus ainsi que les consommateurs de cannabis prennent conscience de leur prochain. C’est ce qu’on appelle l’amour dans la terminologie chrétienne. C’est la joie du sentiment d’appartenance, lorsque nous sommes, non pas parce que nous pensons, mais parce que nous avons momentanément perdu notre moi cartésien réfléchi. C’est le moment où, en termes bouddhistes, nous nous sommes libérés de l’enchevêtrement de nos tabernacles mentaux.
Dans cet état, la peur de la mort disparaît et la vie éternelle, qui avait été refusée à Gilgamesh à l’époque babylonienne, redevient un état d’esprit possible, permettant aux gens de fonctionner sereinement, voire joyeusement, dans un monde misérable.
Ce mouvement de protestation a fleuri dans tout le Proche-Orient antique et a survécu dans les enseignements attribués au prophète de Nazareth. Son message était destiné à soulager la souffrance des masses, ici et maintenant. Son « Royaume de Dieu » indiquait la possibilité offerte à chaque être humain de trouver le bonheur et la paix en écoutant la voix divine intérieure. C’est pourquoi il pouvait dire que le Royaume de Dieu était proche, qu’il était là, attendant la recréation de la vie de chaque personne dans la vie éternelle.
Lorsque ce vaste mouvement de libération personnelle a balayé le monde antique, il a été impitoyablement combattu par les autorités de l’époque et ses adeptes furent impitoyablement persécutés. Ce n’est qu’au quatrième siècle après J.-C., après que Jésus eut été déclaré membre d’une trinité divine, réputé attendre au ciel pour juger ceux qui après la mort avaient accès à la vie éternelle, que le message de l’amour chrétien a pu être accepté par les autorités et que le christianisme a pu se transformer en une religion d’État respectable.
La vie éternelle et son héritage de souveraineté et de sagesse fut une fois de plus niée, obligeant les citoyens du monde occidental à se transformer en brebis suivant le berger papal de Rome. Depuis la Réforme protestante du XVIe siècle, de nouveaux types de bergers sont apparus, bien qu’aucun d’entre eux ne soit censé offrir la libération spirituelle à laquelle aspire chaque être vivant.
De plus, en réponse aux bouleversements culturels et spirituels de la Renaissance, l’Église catholique a mis en place des tribunaux pour éradiquer l’hérésie. Ainsi est née l’Inquisition, qui brûlait les sorcières, leur potion et leurs balais et mettait fin à leurs sabbats transcendantaux. La nature, le royaume où l’esprit erre et où résident les Vivants (????), était interdite aux aventures spirituelles. Les cris d’angoisse des sorcières avaient bien traumatisé la société occidentale et la crainte du Seigneur s’était emparée du peuple.
A Genève, le réformateur protestant Jean Calvin fit punir une petite fille, non pas pour avoir osé chanter joyeusement, mais pour ne pas avoir chanté l’un de ses chants édifiants, à l’église, un dimanche matin. Il enseignait à ses fidèles que tout était déjà décidé d'avance, même le sort de chacun : le paradis éternel ou l'enfer. Le message salvateur selon lequel le paradis est là pour nous tous n'a jamais quitté les lèvres du réformateur. (Il fit une exception à sa règle : au paradis, confia-t-il à ses proches et à ses conseillers sur son lit de mort, ils étaient prêts à l'accueillir.)

Puis, comme l'a tristement noté l'historien français Michelet, « les chants cessèrent ! »
L'esprit avait été muselé à fond, permettant à l'Ego raisonnant de devenir le maître incontesté des esprits européens.


La vie au-delà de la culture européenne de la mort
Mais au-delà des frontières de l'Europe et particulièrement aux Amériques, l'esprit se manifestait encore dans les jungles et sur les montagnes, dans les plaines désertiques et même dans l'Arctique aride. Par l’utilisation des « plantes des dieux », comme les appelaient les peuples autochtones, ou par des techniques d’initiation extracorporelles, comme chez les Indiens des plaines et les Esquimaux, les ancêtres et les dieux intérieurs étaient invoqués pour apporter compréhension et bien-être spirituel. C’est grâce à leur interaction avec, entre autres, les peuples autochtones consommateurs d’ayahuasca, de peyotl et de champignons à psilocybine que les Européens et les Américains d’origine européenne ont appris les propriétés psychoactives de ces substances et la spiritualité qu’elles engendrent.
Ce processus a cependant pris du temps, car l’esprit occidental rationalisé et aliéné a dû lutter contre les effets effrayants de réinitialisation mentale des différentes substances. Selon le « Je pense, donc je suis » de René Descartes, l’homme occidental est en effet un être pensant, prenant de la distance par rapport au monde qui l’entoure afin de l’objectiver et de réfléchir avant d’agir. Par contraste, grâce à leurs enthéogènes, les peuples autochtones sont capables d'entrer en contact émotionnel avec leur environnement, un contact qui balaie leur conscience de soi pour faire place à l'expérience d'appartenance totale. C'est une expérience dont la civilisation occidentale s'est éloignée tout au long de son histoire, au prix d'une aliénation complète d'avec la nature.


La confrontation de l’esprit occidental avec la sagesse du cœur
Richard Evans Schultes, considéré comme le père de l’ethnobotanique moderne, est l’exemple vivant de l’incapacité de l’homme occidental à comprendre le lien spirituel entre l’homme et la nature.
Après avoir classé des milliers de plantes amazoniennes, Schultes était incapable de distinguer les multiples variétés d’ayahuasca – la vigne de l’âme – que les habitants indigènes de la jungle étaient eux capables d'identifier « immédiatement et fréquemment à vue et à une distance significative, sans avoir à toucher, goûter, sentir, écraser, déchirer, sans devoir se livrer à toute manipulation physique ». Tout ce que Schultes pouvait affirmer à propos de la connaissance indigène approfondie de l’ayahuasca était qu’elle rendait compte d’un phénomène oculaire. Même si Schultes à plusieurs reprises, a bu la potion ayahuasca encombré par son esprit classificateur, il pouvait déceler différentes couleurs et motifs mais pas les « phénomènes oculaires » que ses interlocuteurs indigènes rapportaient. Schultes n’a jamais été en mesure de résoudre l’énigme à la base de ses limitations perceptives ; seul Terence McKenna a suggéré que l’ayahuasca pouvait déverrouiller des parties invisibles du spectre électromagnétique normalement cachées à la perception humaine.
Le contemporain de Schultes, Weston La Barre, avait moins de tolérance pour l’admiration non scientifique de ce qu’il avait dû rater :

« C’est la prétention fragile d’autres comme Aldous Huxley et Timothy Leary à une posture laïque et scientifique qui nous met mal à l’aise – en plus de notre point de vue profondément différent selon lequel, comme la science, une critique sociale efficace exige une tête aussi claire et une langue aussi articulée que possible, plutôt qu’un esprit drogué en quête de sentiments personnels ou de l’ineffable sémantique »

Ici, La Barre dit tout : l’esprit rationnel ne doit pas devenir la proie du subjectif, du « sentiment personnel ou de l’ineffable sémantique ». Les émotions personnelles révélées dans les cerveaux, pourtant essentielles dans tous les cultes du peyotl et autres cultes enthéogènes, n’ont pas été étudiées par La Barre, car l’objectivité ne le permettait pas :

« Ainsi, je défends l’Église amérindienne parmi les aborigènes amérindiens : mais je déplore ‘l’Église néo-américaine’ des Américains caucasiens prétendant suivre leur ‘religion’ en utilisant la mescaline comme ‘sacrement’. En ethnographie, cette religion est une secte entièrement artificielle, hypocrite et bidon, dont l’hypocrisie (on pourrait le supposer) serait identifiée et méprisée par la jeunesse honnête....; »

Les « Américains caucasiens » qui, grâce à leurs expériences avec le peyotl ou la mescaline, ont connu un rajeunissement spirituel inespéré n’ont pas réussi ce test. Ils avaient osé inventer une « fausse » « Église néo-américaine » comme un moyen pour se libérer légalement des institutions religieuses dogmatiques. De nos jours, nous considérons leurs efforts comme louables, car suivant une stratègie légale éprouvée pour canaliser leur quête spirituelle vers une organisation socialement acceptable. Mais La Barre, même s’il a affirmé avoir utilisé le peyotl à plusieurs reprises au cours de ses années parmi les autochtones de l’Oklahoma, ne semble jamais avoir connu l’ouverture des « portes de la perception ». Loin d’être un défenseur des enthéogènes et de la liberté religieuse, il s’est révélé un digne héritier de l’Inquisition, faisant honte aux jeunes qui avaient vécu une expérience transcendantale induite par le peyotl en les obligeant à s’abstenir de rejoindre un foyer spirituel récemment constitué. M. La Barre est un exemple particulièrement triste de l’aliénation de l’esprit par rapport à son fondement dans l’âme, et de l’appartenance de chaque personne à ce qu’Albert Hofmann avait appelé « la conscience universelle, trans personnelle », et que les participants au Bwiti appellent poétiquement « l’unité de cœur – nlem-mvore ».
Si seulement La Barre avait pu participer à ce rituel d’auto-transcendance, non pas en tant que scientifique mais en tant que membre à part entière de la communauté : lui aussi aurait peut-être pu rejoindre Hofmann et Huxley dans leur tentative de donner une voix à l’ineffable.


L’esprit scientifique prends conscience des exigences contradictoires
L’anthropologue James W. Fernandez, qui étudiait les Fang, un peuple africain qui consomme l’iboga, a pris conscience des exigences contradictoires imposées à l’esprit du scientifique :

« Je n’ai consommé que de modestes quantités d’iboga et je n’ai jamais éprouvé d’extase, de signification profonde, de vision de ma propre mort ou de la leur. L’iboga avait pour moi un goût très amer. Il me donnait légèrement la nausée. Et je n’ai jamais été inspiré à continuer et à suivre la voie qu’il ouvre avec de fortes doses.
Pourquoi ? Tout d’abord, la richesse de la liturgie et de la cosmologie du Bwiti se tenait devant moi pour être décrite et élaborée. Ce défi à lui seul m’a élevé, chaque nuit de culte, à un niveau d’expérience très intense d’autres réalités culturelles dans lesquelles mes émotions et mon intellect étaient fortement intensifiés, de sorte que je ne ressentais aucun besoin d’excursions narcotiques.
Mais, de plus, il est maintenant clair pour moi que mon attitude était inappropriée à la drogue. Bien que ma femme et moi ayons essayé d’établir une participation avec les Fang à tous égards – en vivant leur vie de village comme nous le pouvions et en dansant dans le culte – néanmoins, en fin de compte, notre communion avec eux était conditionnée par le fait que j’étais l’agent d’une culture scientifique occidentale. C’est une forme inévitable de séparation qui opère dans le travail d’un anthropologue. Je suppose que ma résistance à la drogue était le résultat d’un engagement envers l’observation objective.
Les révélations subjectives que la drogue m’avait promises à l’époque semblaient sans rapport avec ma tâche. Je n’ai pas réussi à apprécier l’utilité de l’iboga pour stimuler toute la nuit une enquête. Il me frappe maintenant avec toute la force de l’évidence que la science elle-même exigeait sûrement que j’explore les propriétés de cette plante de toutes les manières possibles.

Il est révélateur d’entendre Fernandez dire qu’il n’a jamais été inspiré à prendre des doses plus importantes et à aller jusqu’à rencontrer ses propres ancêtres décédés. C’est ainsi que se déroule le rituel ; c’est dans la rencontre avec ses ancêtres et ses divinités anthropomorphisées que l’on acquiert le sentiment d’appartenance cosmique et d’immortalité.
Dès le début, sa peur de mourir semble avoir convaincu l’auteur qu’il serait préférable pour lui de prendre des notes et de ne pas participer au rituel. Il fournit même des arguments valables pour justifier son échec à enquêter jusqu’au bout, car il aurait certainement dû renoncer à son poste d’« observation objective » pour recevoir des « révélations subjectives ». Parce que la liturgie et la cosmologie du Bwiti l’élevaient déjà à un niveau d’expérience émotionnelle intense, il « ne ressentait aucun besoin d’excursions narcotiques ». Outre son utilisation incohérente du terme « narcotique » pour l’expérience d’une aventure spirituelle unique dans une vie humaine, l’excursion à laquelle il fait référence aurait été l’apothéose de ses années de vie avec les gens de leur village : à danser dans leur culte. Fernandez était peut-être un observateur attentif et un bon narrateur, mais au final, il ne savait pas de quoi il parlait puisqu’il n’avait jamais parcouru le chemin qui mène à la colline, là où ses ancêtres l’auraient peut-être emmené pour rencontrer le divin, là où sa peur de la mort aurait disparu dans un sentiment d’appartenance océanique.
C’est cet état d’esprit rationnel qui éclaire le raisonnement derrière la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 et son objectif faustien d’éradiquer une fois pour de bon les enthéogènes.


3. La sécurisation : comment l’Oncle Sam a mis le mensonge des dieux dans la bouche des Nations Unies.
La Convention unique sur les stupéfiants de 1961
Tout comme l’ancien livre de la Genèse, la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 (CU de 1961, la Prohibition ou la Convention) et ses conventions subsidiaires se sont attaqués de front à l’Aliment de la Vie, avec un système de prohibition sévèrement punitif.
Le préambule de la Convention de 1961 commence ainsi :
« Les Parties,
soucieuses de la santé et du bien-être de l’humanité,
reconnaissant que l’usage médical des stupéfiants continue d’être indispensable pour soulager la douleur et la souffrance et que des dispositions adéquates doivent être prises pour assurer la disponibilité de stupéfiants à ces fins ;
reconnaissant que la dépendance aux stupéfiants constitue un mal grave pour l’individu et, pour l’humanité, recèle des périls sociaux et économiques » et que par conséquent,
les Parties sont conscientes « de leur devoir de prévenir et de combattre ce mal. »
Le régime international de contrôle des drogues de l’ONU, fondé sur cette déclaration d’intention, s’est révélé être une attaque ouverte contre le texte et l’esprit de la Déclaration universelle des droits humains de 1948 (DUDH). Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les puissances victorieuses du monde occidental ont imposé, sous la direction des États-Unis, un système de contrôle rigoureux classant les substances libératrices de la conscience dans des catégories où elles sont interdites à l’usage individuel des adultes et disponibles uniquement à des fins de recherche et de médecine.
Au lieu d’être interdite, l’utilisation des enthéogènes, qui ouvrent l’esprit à la perception divine, aurait dû être protégée conformément aux objectifs de la DUDH, à savoir la liberté de pensée, de conscience et de religion pour chaque personne et donc le droit à la santé et au bien-être individuels.
Mais une telle liberté individuelle aurait été, même pour les ardents défenseurs des démocraties, un moyen trop commode permettant aux êtres humains d’échapper au joug du contrôle universel de la pensée. Ainsi, nous l’avons vu, une ruse fut conçue pour éviter toute discussion sur l’Aliment de la vie, en délimitant l’attaque du Préambule de la Convention de 1961 aux « drogues narcotiques », lesquelles conduisent au « mal » de la dépendance.
Au lieu de proprement placer les différents enthéogènes non addictifs et libérateurs de l’esprit comme le cannabis, la coca et le pavot dans un groupe commun spécifique, ces derniers se sont vus isolés dans la liste I, le groupe des « drogues narcotiques » les plus dangereuses des substances addictives, sans explications justificatives, de manière trompeuse,
Ainsi l’Aliment de la Vie fut réduit au silence, devenant du coup l’éléphant dans le salon de la Convention de 1961.
Cependant l'époque a changé. Historiquement, les régimes prohibitionnistes tiraient leur autorité d'interdiction des substances d'ordres divins donnés aux grands prêtres et aux rois, sans qu’il ne leur soit jamais demandé de rendre des comptes. Mais depuis que la DUDH a consacré la liberté de religion, celle-ci a nécessairement été exclue comme source possible de prohibition de l’Aliment de la Vie, en dehors de son domaine de souveraineté propre. Cela a obligé l’ONU à fonder sa politique sur les drogues sur des objectifs concrets, capables de produire des résultats basés sur des preuves. Cependant, faisant fi de politiques médicales raisonnables, la motivation fallacieuse du préambule a produit de désastreux résultats. Ils illustrent le sempiternel mensonge qui, fusse au prix d’innombrables vies, désire une fois pour toutes museler l'esprit humain en exigeant le respect inconditionnel de l'interdiction d'utiliser les plantes médicinales de la nature alors que la liberté de conscience nous appelle à ignorer cette interdiction.
La Convention de 1961 est un texte cynique. Elle prétendait poursuivre des objectifs de santé et de bien-être humains à l’échelle mondiale, mais elle les a sacrifiés face aux aspirations des élites dirigeantes. En promulguant une interdiction universelle de l’utilisation de substances libératrices de l’esprit en dehors des contrôles stricts de la médecine et de la science modernes, les plantes bénéfiques de la nature – qui confèrent bien-être et santé à l’individu – ont été déniées à l’humanité. Privée de ces ressources curatives que notre biodiversité offre à chaque être humain et assujettie de force dans une soi-disant « guerre contre la drogue », l’humanité s'est vue corrompre par les délires imaginaires de dirigeants autoritaires, légitimés ou non par des processus démocratiques de prise de décision.
La sécurisation du Mal
La Convention de 1961 définit les drogues comme un mal, un danger existentiel pour l’humanité. Celle-ci doit être sauvée de la menace barbare que représentent les consommateurs antagonistes. Pour les Nations membres, la sécurisation contre cette menace était considérée d’une importance capitale au cours du XXe siècle. Ils ont donc construit une dichotomie, un cadre dans lequel l’objet menacé, le « Soi », se protège d’une menace existentielle, « l’Autre ». L’humanité a été dépeinte par les Nations membres eux-mêmes comme le Soi mondial menant une « entreprise humanitaire » pour débarrasser le monde des consommateurs, producteurs et trafiquants de drogues, l’Autre, qui menace le Soi. Ce Soi mondial a ensuite été présenté comme étant moralement supérieur à l’Autre « maléfique ». Cette dichotomie justifiait des lors des mesures exceptionnelles, voire extrajudiciaires, pour combattre l’Autre.
Assortie qu'elle était d'énormément de pressions et d’intimidations, 95% environ des Nations membres de l’ONU ont fini par ratifier la Convention unique. Sous couvert d'une action définie comme ‘humanitaire’, la prohibition a motivé des mesures extrêmement brutales : violations massives des droits de l'homme, négligence institutionnalisée de la santé des consommateurs, nombre incalculable de décès. La guerre contre la drogue – un rejeton conceptuel des États-Unis, lesquels ont fait appel à l'ONU pour assister à la mise en œuvre - n'a pas abouti à un monde sans drogue mais à l'inverse à un marché criminel en pleine expansion, non réglementé, contrôlé qui plus est par les services secrets et les maffias. À l'égard de ses objectifs déclarés, la guerre contre la drogue est un échec retentissant. Mais au lieu de chercher des alternatives politiques, les guerriers de la drogue semblent vouloir se contenter de poursuivre leur guerre. Pour eux, aucun prix ne semble trop élevé.
La CU de 1961 a en réalité accordé à tous les gouvernements du monde le pouvoir de discriminer des minorités indésirables en fonction de leurs préférences de consommation – que ces préférences fassent partie intégrante du tissu social de leurs communautés et soient protégées en tant que droits humains ou qu’elles leur soient imposées en raison de leur position socio-économique précaire et des effets pervers de la prohibition. D'entières communautés, incluant hommes, femmes, enfants, ancêtres et dieux, avec des traditions religieuses et culturelles vieilles de plusieurs siècles, ont ainsi été contraintes de se réadapter en à peine vingt-cinq ans aux toutes nouvelles réglementations sociales du 20e siècle. La politique de prohibition transforme les habitudes de consommation traditionnelles en addictions aux nouveaux produits désormais gérés par les marchés criminels. Dans ce monde nouveau, ce n'est pas la Déclaration des droits humains qui prévaut mais plutôt la pagaille criminelle, engendrée par la CU de 1961 - telle que dictée par les plus impériales des nations. Une pagaille qui règne sur une grande partie de la population mondiale.
Nous ne devrions pas être surpris, car la guerre actuelle contre la drogue suit le modèle historique établi depuis la rencontre entre Adapa et le dieu Anu, dans la civilisation mésopotamienne. Les anciennes motivations et méthodes sont toujours monnaie courante : étouffer la voix qui apporte la sagesse au cœur en interdisant les plantes de la Terre qui libèrent l’esprit ; utiliser des mensonges comme arguments. Le préambule de la Convention de 1961 décrète le caractère inévitable de la dépendance à diverses substances ayant pourtant une tradition bien ancrée d’utilisation culturelle et religieuse. De même, Adapa avait refusé la nourriture et l’eau de la vie, à l’instigation trompeuse du dieu du commerce Ea. Le même dieu qui, quelques siècles plus tard, enseigna à Gilgamesh l’art de la tromperie, afin qu’il puisse nier le cœur comme source du bonheur existentiel et de la sagesse. Et, comme expliqué plus haut, dans le livre de la Genèse, les scribes de Yahweh ont immédiatement déclaré : « De l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. »
Au début du régime de la CU de 1961, l’accent était principalement mis sur les plantes des pays du Sud, dont beaucoup venaient tout juste d’obtenir leur indépendance et étaient vulnérables aux pressions et sanctions étrangères et dans l'incapacité de formuler leurs points de vue opposés et de les défendre à l’échelle mondiale. En concentrant l’interdiction de ces substances du côté de l’offre, d’où elles proviennent, ces pays furent les premiers à être punis pour désobéissance. Ironiquement, c’est précisément dans ces pays que les gens avaient tout au long de l’histoire appris à utiliser ces substances à leur avantage. Tout d'un coup, de façon dramatique et sous prétexte de protéger leur bien-être, les voilà criminalisés s’ils continuaient à utiliser ces plantes pour leur survie. De ce fait, la décolonisation politique des années 1960 fut remplacée sur le champ par une recolonisation idéologique mondiale, non seulement des nations souveraines et des sociétés autonomes, mais des esprits des citoyens de toutes les Nations.
Un sublime et cynique coup de force : en obtenant le soutien des anciennes colonies et des anciens colonisateurs, les nouveaux chefs prohibitionnistes les ont tous contraints à prêter allégeance à une nouvelle idéologie, présentée comme un cadeau de l'Organisation des Nations Unies, championne tant vantée des droits humains. Il s'agissait d'une colonisation universelle des idées par le musellement global de l'esprit, prenant place sous l'ombrelle illusoire de la Déclaration universelle des droits humains. Sous couvert de protection de la santé publique et de lutte contre un mal autoproclamé, les Nations Unies avaient décidé qu’il y avait un défaut de construction dans la création et qu’en raison de l’incapacité - délibérée et auto-créée - de communiquer avec notre Terre Mère, il ne restait pas d’autre option que l'extinction de l'Aliment de la Vie et avec elle du dialogue avec la Terre Mère. Le mensonge est de retour en force et sert pour mettre la Terre Mère en maison de retraite pour préparer son départ à l’arrivée glorieuse de l’Anthropocène. Incapacité à communiquer, elle était devenue le bouc émissaire idéal.
La Convention unique débuta par l'ethnocide des sociétés indigènes dont la culture reposait sur la communion avec leurs dieux à travers la consommation de leurs plantes désormais interdites. On leur donna à la place du whisky pour remplacer leurs rituels chamaniques. Le passé devait être effacé pour que l'avenir corresponde aux souhaits de la volonté impériale. Ces jours-ci, nous sommes témoins des dernières conséquences de ce régime brutal dans la persécution mondiale des minorités, souvent externalisée par les États-nations à des intérêts privés, les exécutions extrajudiciaires généralisées des utilisateurs d'enthéogènes et d'autres drogues, homologuées par les régimes les plus puissants, ainsi que la stigmatisation permanente des victimes et de leurs défenseurs, les Autres, qualifiés de criminels par les Menteurs, les Nations Unis mondiaux.

Le mensonge est la règle, et la règle est que l’usage de substances enthéogènes est un crime
Les justifications scientifiques de la prohibition de 1961 ont été des exercices de tromperie flagrants. La Commission d’enquête sur la feuille de coca de 1949 était racialement biaisée et scientifiquement incompétente. Son rapport de 1950, très sélectif dans son choix de littérature scientifique disponible et hasardeux dans ses conclusions, fut perçu par tous les peuples andins mâcheurs de coca comme à courte vue et une insulte délibérée à leur culture. Il devint clair dans les décennies suivantes que « l’addictionisme », une idéologie pseudo-scientifique promue par la prohibition, s’était emparée des Nations Unies, tandis que la science avait été reléguée au second plan dans l’élaboration des politiques en matière de drogues. La Commission mondiale sur la politique des drogues (GCDP) – un club antiprohibitionniste composé d’anciens chefs d’État et de gouvernement – a carrément déclaré que la science avait été laissée de côté lors de la classification des substances psychoactives.
La plainte déposée en 2017 par les Académies nationales des sciences, de l'ingénierie et de la médecine des États-Unis à l'occasion de la publication de leur rapport « Les effets du cannabis et des cannabinoïdes sur la santé » a fait part de la frustration de la communauté académique face aux obstacles qui s'opposent à une recherche impartiale sur le cannabis. Ainsi, malgré le fait qu'au cours du dernier demi-siècle, des dizaines de nouvelles applications cliniques du cannabis ont été prouvées par la recherche, l'ONU a refusé de réexaminer scientifiquement la classification de la plante et de ses composés. Elle était toujours classée et stigmatisée comme une substance susceptible d'abus et de dépendance, contenant soi-disant des propriétés dangereuses et peu ou pas de valeurs thérapeutiques, lorsqu'en 2018, et pour la première fois, l'Organisation mondiale de la santé a évalué les utilisations médicales et les méfaits du cannabis et a décidé en 2020 que le cannabis devait être reclassé.
Les organismes de contrôle des drogues de l’ONU basés à Vienne ne semblent pas en outre se soucier des ravages que produit la guerre contre la drogue, comme les assassinats de consommateurs commandités par des gouvernements, la torture présentée comme une cure de désintoxication dans les centres de détention obligatoire pour toxicomanes, et non plus des succès obtenus sur le terrain en matière de réduction des risques, comme les programmes d’aiguilles et de seringues propres et de substitution aux opiacés. À cet égard, l'exemple du « projet de prescription d’héroïne à Liverpool » du Dr John Marks est emblématique.
La clinique du Dr Marks à Merseyside, à Liverpool, en Angleterre, a réussi à freiner l’épidémie de VIH, à améliorer considérablement la santé des toxicomanes et à empêcher de nouveaux décès liés à la drogue. Mais, tout aussi important, le nombre d’héroïnomanes a considérablement diminué. Sous la prohibition, il faut acheter à des prix prohibitifs, donc on vole, on se prostitue ou on coupe et on vend une partie de ce qu’on achète. Avec une ordonnance, on n’a pas besoin de vendre de l’héroïne pour en obtenir et persuader quelqu’un d’autre d’en prendre aussi. Néanmoins, sous la pression des États-Unis, le gouvernement Thatcher a mis fin au projet en 1995
La ministre suisse de l’Intérieur, Ruth Dreyfus, fut persuadée de reprendre le modèle de Merseyside, avec autant de succès que l’original. John Marks est cependant devenu un « Autre », un paria dans sa propre profession au Royaume-Uni et a dû émigrer en Nouvelle-Zélande. Interrogé sur son sort, celui d’être « mis au bûcher » dans la chasse aux sorcières de la guerre contre la drogue, il déclara : « Qu’est-ce qui vous a donné l’idée que les gens au pouvoir agissent selon la raison ? Votre problème, c’est que vous êtes rationnel. »
Et dans une critique virulente de la 61e session de la Commission des stupéfiants (CND), le Réseau asiatique des consommateurs de drogues (ANPUD) a suggéré que celle-ci fonctionnait comme un grand gouffre à étouffer les projets intelligents et les idées positives. Les préjugés et l’abdication de responsabilité étaient devenus la règle, la stigmatisation des consommateurs la norme sociale, et les dommages causés, une preuve de bonne conformité aux traités.
On nous a dit que seule la tolérance zéro pourrait garantir un monde sans drogue, débarrassé de toute exploitation par les trafiquants des jeunes et des faibles. L’un des principaux architectes de la loi de 1961  Harry Anslinger, ayant précédemment supervisé la prohibition de l’alcool aux États-Unis et son cuisant échec, savait pourtant à quoi s'en tenir. Chez lui au États-Unis,  il avait pu personnellement constater comment une telle interdiction transformait les voraces en mafieux. De la même manière, la prohibition des drogues a fini par inonder le marché de produits dangereux et frelatés. L’une des principales différences entre la médecine et la « drogue », l’usage et l’abus, est la dose standardisée. Et comme le monde médical a été en partie mis à l’écart par la Convention de 1961, un marché noir de la drogue fut établi par de nombreuses mafias qui ont, de façon prévisible, concentré leurs efforts sur les dosages les plus rentables et les plus élevés, la dépendance créant la demande. Les prédictions les plus pessimistes ont fini par se réaliser car, sous la prohibition, ce qui dictait les habitudes et les procédures de consommation n’était pas l’usage accompagné scientifiquement mais plutôt l’usage socialement rejeté et non supervisé, contrôlé par les éléments criminels de la société. Au lieu de promouvoir les normes de santé les plus élevées possibles, la prohibition crée des maladies, engendre le crime et favorise la mort. Ayant pourtant abrogé la prohibition de l’alcool au bout de treize ans, les États-Unis, ainsi que leurs partenaires, ont forcé l’ONU à s’en tenir à une politique d'interdiction similaire, provoquant ainsi dans le monde entier détresse et maladies parmi les consommateurs, tout en renforçant les cartels criminels qui terrorisent jusqu'à des états-nations.

Un point de vue similaire a été exprimé par la Commission mondiale sur la politique des drogues (GCDP), lorsque le président Trump a présenté une guerre américaine remaniée contre la drogue à l’ouverture de la 73e Assemblée générale des Nations Unies en 2018. La Commission mondiale a déclaré : « Les tentatives d’éradication de l’offre et de la consommation de drogues par des mesures répressives basées sur la prohibition contre les personnes qui consomment des drogues se sont avérées coûteuses et contre-productives depuis plus de 50 ans. Le gouvernement américain, qui a essayé et abandonné la prohibition de l’alcool, et qui fait maintenant face à une crise des opioïdes sans précédent, devrait le savoir mieux que quiconque. »

Tout le monde n’a pas adhéré à l’initiative de Trump, intitulée « Appel mondial à l’action sur le problème mondial de la drogue ». Ceux qui l’ont fait étaient des pays prohibitionnistes radicaux, dont la Russie, la Chine et l’Arabie saoudite ; des partenaires génocidaires comme le Myanmar et les Philippines et ceux qui ont accepté ce retour aux politiques ratées du passé après une certaine realpolitik américaine. Apparemment, tous les concernés savaient et comprenaient les conséquences. C’était particulièrement vrai pour les pays qui ont décidé de renoncer à l’invitation de Trump. La réponse la plus directe est venue d’un responsable néerlandais : « Nous considérons cela comme une question de santé, dans notre pays nous essayons la prévention et ne croyons pas à la manière proposée par ce texte. Nous ne voulons pas de la criminalisation. »

Les autres pays membres de l’ONU ne se soucient plus d’objectifs dépassés et délétères lorsqu’ils élaborent une politique de contrôle des drogues. Ces objectifs guidant le préambule sont considérés comme des excuses dépassées et sont devenus une parodie. Les préoccupations en matière de santé et de bien-être ne sont pas prises en compte par les combattants du crime de Vienne ; pour maintenir la logique du système de l'ONU, ils exigent le respect des règles et la punition en cas de violation. En suivant la méthode américaine - faire semblant jusqu'à ce qu'on y arrive - les pires résultats semblent devenir la meilleure preuve de succès : ainsi les statistiques alarmantes sur les décès, les incarcérations et les sans-abris et la pauvreté.

Le G8 sort du placard pour maintenir l’intégrité perverse de la Convention unique
« Soucieuse de la santé et du bien-être de l’humanité », la Convention unique de 1961 et son parrain américain ont exigé l’abolition de l’usage de drogues, ancré depuis des siècles,dans les traditions sociales, culturelles et religieuses de nombreux États non-industrialisés. Cette interdiction des produits de la Terre mère, était faite aux autres gouvernements et à leurs citoyens d’une manière qui rappelle la colonisation : par la terreur. La fin brutale de traditions sociales et de pratiques religieuses ancestrales – après une période de transition outrageusement brève de 15 ans pour l’opium et de 25 ans pour la coca et le cannabis – a été accueillie avec consternation et rejet total par les peuples autochtones concernés. En Bolivie, un pays à majorité indigène gouverné par les criollos (population née en Bolivie, d’origine espagnole), l’interdiction de la mastication traditionnelle de la coca par la population indigène a conduit à sa radicalisation, menée par le leader paysan cocalero (!!!!) Evo Morales Ayma. Sous le slogan « la coca n’est pas la cocaïne », Morales a mené son peuple à une victoire électorale en 2005 et est arrivé à la présidence du pays en 2006.

Six ans plus tard, et un demi-siècle après l’adoption de la Convention de 1961, la Bolivie a obtenu en 2012 le soutien d’une majorité qualifiée des États membres de la Convention de 1961 pour rejoindre la Convention, qu’elle avait quitté un an plus tôt, pour obtenir une exemption destinée à aligner les obligations internationales du pays sur son mandat constitutionnel, qui maintient la feuille de coca comme partie intégrante de l’héritage culturel bolivien.

Cette exemption, eu égard à l’obligation de la Bolivie d’abolir la mastication traditionnelle de la coca parmi ses populations autochtones, était la première du genre dans l’histoire des traités de contrôle des drogues de l’ONU. En réponse, les États-Unis, contrariés par cette évolution – bien que bénéficiant eux-mêmes de la soi-disant « exemption Coca-Cola » – ont pris la tête d’une position par laquelle tous les pays du G8 se sont opposés à ce qu’ils percevaient comme une « atteinte à l’intégrité du traité et à son principe directeur de limiter le commerce et l’utilisation de drogues uniquement à des fins médicales et scientifiques ». Le minimum requis pour vaincre la réserve Bolivienne – un tiers des 184 membres de l’organe conventionnel – n’ayant cependant pas été atteint, les prohibitionnistes enragés ont perdu la bataille. Considérant l’exemption Coca-Cola, qui autorisant l’utilisation de la coca comme arôme pour un produit commercial américain consommé plus de deux milliards de fois par jour dans le monde entier, il est permis de supposer que de nombreux pays l'ont considéré comme une violation plus grave de l’intégrité du traité que la sauvegarde ardente par le peuple andin local d’un patrimoine culturel et naturel, millénaire.

La victoire de la Bolivie a marqué un tournant : le début de la décolonisation des contraintes imposées par la Convention de 1961. Mais, entre-temps, la guerre continuait et le mensonge l’emportait.

La guerre contre la drogue aux Philippines : un projet d’essai eugéniste
Lors de son élection en 2016, le président américain Donald Trump était impatient de s’affirmer comme un prohibitionniste convaincu. Lorsque le président philippin Duterte l’a appelé pour le féliciter de son élection, Trump lui a spontanément souhaité du succès dans sa politique controversée de contrôle des drogues, qui avait fait 4 800 morts depuis son élection en juillet de la même année. Duterte a déclaré que M. Trump soutenait sa campagne antidrogue brutale, lui disant que les Philippines la menaient « de la bonne manière ».

En avril 2017, Trump a réitéré en déclarant à Duterte qu’il « faisait un travail incroyable sur le problème de la drogue » aux Philippines, où Duterte avait publiquement approuvé l’exécution extrajudiciaire de suspects.

Les deux dirigeants ont ensuite tenu une réunion bilatérale en marge du 31e sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) à Manille en novembre 2017. Duterte avait déclaré la semaine précédant la réunion qu’il dirait à Trump de « laisser tomber » s’il parlait des droits humains. Harry Roque, le porte-parole du président philippin, a confirmé après la réunion que, contrairement aux affirmations de Sarah Huckabee Sanders, la porte-parole de Trump, la réunion n’a pas abordé les droits humains, même si Duterte avait expliqué sa campagne meurtrière contre la drogue à Trump, qui a hoché la tête et « semblait être en accord ».

Les déclarations contradictoires des attachés de presse des deux présidents ont confirmé deux choses : M. Trump voulait être perçu comme ayant soulevé la question des droits humains sans cautionner la politique de massacres extrajudiciaires de Duterte ; et M. Duterte voulait se présenter comme quelqu’un qui défendait sa politique en matière de drogue sans que M. Trump ne s’y oppose au motif qu’elle viole les droits humains.

Le 23 avril 2018, Harry Roque, porte-parole du président Duterte, a fait part de ses commentaires sur le rapport des États-Unis sur les droits humains aux Philippines. Le rapport indiquait que
« les exécutions extrajudiciaires sont depuis de nombreuses années la principale préoccupation en matière de droits humains dans le pays et, après une forte augmentation avec le début de la campagne antidrogue en 2016, elles se sont poursuivies en 2017 ». Harry Roque a commenté la façon dont le Malacañang (le palais présidentiel) a soutenu la déclaration du président Donald Trump selon laquelle le président Duterte fait du bon travail dans la gestion du problème des drogues illégales dans le pays. « J’ai personnellement entendu la discussion entre le président Trump et le président Duterte lorsqu’ils étaient ici aux Philippines pendant le sommet de l’ASEAN, et je pense avoir entendu des mots du président Trump faisant l’éloge du président Duterte, notamment de la guerre contre la drogue. Si je ne me trompe pas, le président Trump a dit qu’il (Duterte) sait ce qu’il fait aux Philippines », a déclaré Roque. « Je ne sais donc pas comment concilier le rapport du Département d’État avec la déclaration réelle du président. Mais pour l’instant, nous nous en tenons à la déclaration du président Trump que nous avons tous entendue de la bouche du président Trump », a-t-il ajouté.

M. Trump a perdu en (!!!) crédibilité lorsque l’affirmation de son attachée de presse selon laquelle celui-ci avait discuté des droits humains avec Duterte n’a pas été répétée par elle après avoir été démentie par l’attachée de presse de Duterte. En conséquence, pendant près de six mois, le monde – et en particulier les victimes potentielles impliquées – est resté dans l’ignorance de ce qui avait été réellement discuté.
Ce manque de coordination internationale a abouti au lapsus d’Harry Roque du 23 avril 2018, par lequel fut dévoilée la totale approbation de M. Trump avec les exécutions sommaires aux Philippines, lors de cette rencontre des deux pays en novembre 2017 à Manille.

Peu de temps après, le président Duterte a réitéré son offre pour que les Philippines accueillent un « sommet mondial pour discuter de la manière dont les nations peuvent protéger les droits humains.» Duterte a dû se sentir justifié par les puissances mondiales, alors qu’emboîtant le pas de la Chine et de la Russie, les États-Unis ont cité sa défense « exemplaire » des droits humains.

Aujourd’hui, six ans plus tard (2024), Oplan Tokhang, la brutale opération aux Philippines, est toujours en cours, dirigée depuis leurs fiefs par deux barons de la drogue rivaux : l’ancien président Duterte, qui se range discrètement du côté de Pékin, et son successeur, Bongbong Marcos, un fan de longue date de Washington. Ni la Chine ni les États-Unis ne les arrêteront, ce qui est peu surprenant car ils se battent pour la domination en mer de Chine méridionale et sont prêts à fermer les yeux sur les massacres de masse aux Philippines.

Trump, quant à lui, avance sur sa voie sinistre. Son admiration pour la solution philippine Oplan Tokhang n’était pas seulement motivée par des considérations politiques, mais est étroitement liée à son manque d’empathie personnelle envers les personnes « inférieures » et à ses convictions eugéniques selon lesquelles une vie handicapée n’est plus humaine et doit être supprimée. « Vu leur état, toutes ces dépenses, peut-être que ces gens-là devraient mourir », a-t-il déclaré à son neveu dont le fils est mentalement et physiquement handicapé.

Duterte nous a dit qu’il avait discuté avec Trump des moyens possibles pour que le président américain suive son exemple, suggérant notamment que le plus simple serait de « les » jeter d’un avion ». Nous ne connaissons pas la réaction de Trump mais puisque Duterte a rendu cette discussion publique, on peut supposer qu’elle n’était pas trop négative, même si Duterte lui-même ne l’a pas dit explicitement.

Étant donné l’enthousiasme de Trump pour les politiques de « nettoyage » de Duterte, nous, les « Autres », devons également supposer qu’il était véritablement intéressé par les politiques de Duterte en tant que modèle viable pour l’ONU. De plus, « l’usage de stupéfiants » s’inscrit parfaitement dans la lignée de « l’alcoolisme chronique et autres formes de déviance sociale » qui justifiaient la stérilisation forcée dans l’Allemagne nazie.
Cette dévalorisation des vies des handicapés, considérés comme des êtres inférieurs à l’humanité, qui était monnaie courante en Allemagne avant et pendant le Troisième Reich, a fourni la justification du massacre méthodique de 300 000 personnes handicapées par les nazis. À titre d’essai, les nazis ont d’abord tué 70 000 personnes handicapées. Des meurtres tests similaires se virent conseillés par Duterte à son grand ami.

Les eugénistes dévalorisent les vies des handicapés afin de justifier leurs solutions anti-vie. Ils le font par le biais du processus de déshumanisation, un processus qui viole aujourd’hui ouvertement le droit à la vie défendu par la DUDH. Cependant, la déshumanisation des consommateurs de drogues est activement promue par la Convention unique de 1961, à l’échelle mondiale. En s’opposant à la réduction des risques et en refusant de fournir les médicaments appropriés aux personnes dépendantes, des personnes valides sont intentionnellement handicapées. Une fois accros, les toxicomanes restent accros et préprogrammés pour accrocher ceux qui les entourent. Leur terrible sort est parfaitement illustré par les victimes d'Oplan Tokhang : enlevées la nuit, retrouvées au matin, les mains liées dans le dos, un sac en plastique hermétique sur la tête, mortes. Décrochées, enfin libres. Aucun cri n'a été entendu.

Deux univers opposés : les idéaux des droits humains ou le contrôle meurtrier de la pensée.
Sur les réseaux sociaux, nos enfants – la génération du futur – sont quotidiennement témoins de la façon dont nous violons nos propres règles à l’échelle mondiale. Nous tuons des gens et détruisons aveuglément la nature, érosion des principes qui signale la désintégration de l’ordre fondé sur des règles et le début d’une nouvelle ère, ainsi que l'a annoncé Mme. Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International. Le soutien des États-Unis et de nombreux pays occidentaux à Israël dans son conflit avec Gaza, alors même que le carnage parmi les civils innocents continue de se dérouler, révèle une troublante application sélective des règles de protection universelles. Cette désintégration a commencé pour de bon après le 9/11, lorsque les États-Unis ont lancé leur « guerre contre le terrorisme », guidée par le concept de « sécurisation », qui postule que tout est permis dans la poursuite de « terroristes ».

Ce concept de sécurisation a également été appliqué à la prohibition moderne (voir ci-dessus dans ce chapitre 3 sous « La sécurisation du mal »). Tout a commencé avec la Convention unique de 1961, un acte verbal (speech act) qui présentait la consommation de drogues comme un mal, une menace existentielle pour les pays membres de cette Convention, l’organisme même qui a produit cet acte. Ce cadrage justifiait des mesures extraordinaires, souvent prises en dehors des cadres juridiques, à l’encontre des « Autres », en l’occurrence les consommateurs de substances interdites.

Bien que le texte de la Convention unique de 1961 n’ait pas été très populaire auprès de nombreux membres de l’ONU, il a bénéficié d’une campagne de promotion très réussie et une quasi-unanimité des membres a fini par l'approuver. Qu’elle soit fondée sur des faits, comme l’attaque des Twin Towers en 2001, ou sur des mensonges, comme l’invasion de l’Irak en 2003 ou bien la présentation des drogues par cette Convention unique comme un mal, la sécurisation mène souvent à des actions illégitimes. Celles-ci entraînent alors des dommages disproportionnés, ainsi qu'un déni de l’État de droit, car ces mesures exceptionnelles, invoquant la force majeure, enfreignent souvent la loi. En conséquence, la sécurisation d’un problème porte généralement atteinte au principe d’universalité, qui affirme que tous les individus sont également dotés de droits humains, indépendamment de qui ils sont ou de l’endroit où ils vivent. Cela vaut aussi pour les millions de consommateurs de drogue soi-disant « terroristes ».  

La Convention unique de 1961 divise l’universalité humaine en deux, proclamant « l’humanité » des non-consommateurs de drogue et déclarant que les « autres », les consommateurs, sont mauvais. Mais Mme Callamard nous met en garde à juste titre contre le découragement : « Le sort de l’universalité ne réside pas dans les mains de ceux qui la trahissent. Au contraire, en tant que projet ambitieux et pérenne de l’humanité, son pouvoir réside, d’abord et avant tout, dans sa proclamation continuelle et dans sa défense persistante. »

Les États-Unis ont accompli un exploit remarquable : ils ont produit, sous leur leadership acclamé, les deux lois qui ont assuré au monde d’une part la liberté personnelle insoupçonnée inscrite dans la DUDH et, d’autre part, leur autorité pour saper ce pilier de la communauté mondiale par des sanctions punitives illimitées contre ceux qui osent défier les limites de la liberté établies par la Convention de 1961. En fin de compte, les faits montrent que tous les droits humains individuels peuvent être violés. Impunément.

En sécurisant les drogues interdites au niveau international, la Convention de 1961 a créé un schisme avec la Déclaration des droits humains. Elle peut continuer à punir les « autres » librement sans être entravée par leurs droits à la santé et au bonheur. Comme l’a affirmé le directeur général du Programme des Nations Unies pour le contrôle des drogues en 1998 lors du 50e anniversaire de la DUDH, « Nous ne devrions pas oublier que l’idée que la consommation de drogues est une sorte de droit humain est intrinsèquement immorale, car elle suggère que les vies humaines ne méritent pas d’être sauvées des ravages de la toxicomanie. »

En 2008, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé, Paul Hunt, a rétorqué que « le contrôle international des drogues et les systèmes de droits humains sont deux univers parallèles ». En effet, la Convention de 1961 sur le contrôle des drogues et les idéaux des droits humains sont incompatibles.

Ainsi, le sort de l’Aliment de la vie dépend en effet de la défense persistante par les Gardiens de leur inclusion dans l’universalité de l’humanité. Si l’ONU souhaite véritablement faire un effort honnête pour préserver l’humanité, la nature, sa biodiversité et la Terre, elle ne peut continuer à refuser à la nature sa voix et à la rabaisser. Si les consommateurs d’enthéogènes veulent vraiment entendre la voix de la nature et afin que cette voix soit entendue, ils doivent plaider pour la fin de la stigmatisation et de l’éradication de l’Aliment de la vie et de la persécution de ses Gardiens.

Les faits cités nous montrent l’image d’un Soi intolérant, fermement assis du côté de la Prohibition malgré toutes les preuves de l’échec de ses politiques. Mais les faits n’ont plus d’importance quand les mensonges sont devenus des articles de foi et que les menteurs en chef dictent les commandements des nouveaux dieux. Édifiants sont les propos de John Marks, quand il commente son sort d’avoir été « brûlé sur le bûcher » lors de la chasse aux sorcières de la guerre contre la drogue : « D'où tenez-vous l’idée que les gens au pouvoir agissent selon la raison ? Votre problème est que vous êtes rationnel ». Les mensonges divins ne demandent que la loyauté.

Les Nations Unies doivent cesser de sécuriser le Mal, afin que les « Autres » – nous, les consommateurs de substances divines – puissent être légitimement assis à la table de l’humanité.


4. Le vol de la divinité

La parole de l’ONU de 1961 : un faux commandement divin
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La politique de la Convention de 1961 sur les drogues est incontestablement un échec dans le sens où elle n’a atteint aucun de ses objectifs et a infligé d’indicibles souffrances à l’humanité, qu’elle prétendait vouloir protéger. Mais c’est aussi une débâcle dans la mesure où elle n’aurait jamais pu atteindre ses objectifs, compte tenu des contradictions insurmontables que les rédacteurs de la Convention y avaient intégrées. Ils voulaient évidemment dissimuler le fait que leur choix de ne pas protéger la consommation d’enthéogènes par l’humanité en tant que droit humain, englobant la liberté de pensée, de conscience et de religion, était un choix politique, et ils ont donc concocté un récit confus et manifestement faux.

Tout d’abord, le préambule de la Convention de 1961 sur les stupéfiants est apparu comme une sorte de prescription de médicaments aux patients, validé par l’ONU, contenant un avertissement à la population mondiale sur le danger de ces substances. Les stupéfiants sont salutaires, a t-elle déclaré, dans la mesure où ils soulagent la douleur et la souffrance. Mais elles conduisent aussi à la toxicomanie, un mal grave pour l’individu et l’humanité, qu’il faut combattre de manière coordonnée et universelle, en limitant l’accès et la prescription de certaines substances par les professions scientifiques et médicales.

Mais ensuite, dans les articles suivants de la convention, des médicaments non-stupéfiants ont été subrepticement inclus dans les listes de stupéfiants et certains ont même été classés de manière trompeuse comme dénués de valeur médicinale.

L’usage personnel des trois plantes médicinales les plus utilisées de la nature – le pavot à opium, le cannabis et la coca – a été interdit à l’humanité. Par conséquent, les civilisations qui ont surgi parallèlement et grâce à l’usage traditionnel de ces sacrements devaient être coupées de toute communion ultérieure avec leur habitat spirituel, sous peine de toute la gamme des châtiments du monde.

Il avait été décidé qu’aucun bien ne devait provenir de ces dons de la nature, bien que partout au monde ils soient adaptés par les écosystèmes locaux aux besoins locaux et qu’ils soient disponibles sur demande et presque gratuitement pour ceux qui souhaitent être sains et en bons termes avec la nature et participer à la communion avec la Terre Mère. Ceux qui savent profiter de l’extase que la nature procure lorsque la quête humaine de libération est satisfaite par l’immersion complète dans l’existence terrestre, au moment où les schémas humains de subordination et de terreur ont disparu à l’arrière-plan et que l’intégrité perverse de la Convention unique explose et que Soma réduit le faux à néant.

Pour empêcher ostensiblement les sociétés traditionnelles d’infecter d’autres avec ce soi-disant mal, tous les peuples des sociétés modernes qui souhaitent échapper au vide que l’on trouve dans les idéologies fossilisées – comme notre jeunesse; les descendants d’esclaves; les marginalisés de nos sociétés industrielles; les femmes perpétuellement dominées par nos systèmes de castes fondés sur le sexe; nos communautés LGTBQ+; nos demandeurs d’asile non-reconnus comme réfugiés; et bien d’autres de nos peuples qui sont discriminés en raison de particularités dans leurs systèmes de vie, leurs croyances, leurs modèles de société, leurs modes de communication, leur gestion de la reproduction, bref, tous ceux de nos peuples que les forces dominantes de la société trouvent offensants – devaient être stoppés dans leurs tentatives, comme le prévoyait la Convention unique.

Une caractéristique remarquable de la politique de prohibition est que les échecs répétés n’ont aucun effet négatif sur sa popularité auprès de ses partisans. Elle semble résister au verdict de l’évaluation normale des performances publiques comme c’est le cas dans d’autres domaines politiques tels que, l’alimentation et l’agriculture, l’éducation, l’énergie, l’informatique, etc.
La prohibition étant considérée comme une guerre contre une menace terroriste, le Soi doit en effet redoubler d’efforts pour se défendre à chaque échec. La prohibition se nourrit ainsi de ses propres échecs, avec des mesures encore plus dures instituées après chaque tentative successive de contrer l’ennemi, les mafias de la drogue. En vain, bien sûr, car l’ennemi aussi se nourrit des échecs de la prohibition, contrecarre les répressions successives et devient militairement et financièrement plus fort.

Cependant, comme le savent les utilisateurs d’enthéogènes, le mensonge de la prohibition qui oppose le Soi à un Autre méchant, déterminé à détruire le Soi en le faisant consommer l’Aliment de la vie, n’existe pas. Par contre, nous –les Autres– agissons pour le bénéfice du Soi, à l’encontre de son asservisseur, l’ensemble des forces qui ont l’intention de mettre fin à tous les apports de la Terre Mère, qui vont à l’encontre de l’objectif de sa domination ultime par le Soi.

La réponse qui décidera de notre destin futur répond à la question de savoir si la Nature peut survivre et continuer à soutenir l’humanité et les autres enfants de la Terre Mère ou si l’humanité continuera à se débarrasser de ses frères et sœurs, pour se retrouver dans un Anthropocène avec des institutions mortes et démesurées, prête à attaquer tout l’Univers.

Les portes de la perception du retour à la maison de la Mère Terre
Un théologien chrétien européen respecté du mouvement œcuméniste, qui cherche à promouvoir une plus grande unité religieuse, a entendu dire lors d’un voyage d’étude dans les années 1960 dans le sud des États-Unis que pour créer une nouvelle religion, il suffit de quatre éléments : une cabine de douche avec un bon rideau et une chaise confortable à l’intérieur pour le créateur de la nouvelle religion ; une secrétaire de confiance et qualifiée avec un bon carnet à l’extérieur pour prendre note du récit du créateur ; la transmission par le créateur d’une inspiration apparemment grande et un émetteur radio puissant pour diffuser ensuite l’histoire de la nouvelle croyance aux convertis potentiels.

L’accueil en Europe de ce modèle de création de la foi a été accueilli avec hilarité car il présente la religion comme un produit profane facile à fabriquer sans même la moindre mention d’une intervention divine apparemment nécessaire dans le processus de production. Un bon argumentaire de vente pour la religion instantanée !

Cependant, c'est ainsi que les choses se passent historiquement pour la construction d'une religion institutionnalisée, car il est de pratique courante que les dieux invisibles parlent à des visiteurs uniques, comme Anu à Adapa et Yahweh à Moïse. De plus, ces dieux invisibles préfèrent toujours se rencontrer dans des endroits isolés tels que les cieux, les montagnes ou l'autre côté d'immenses étendues d'eau, où les dieux sont censés vivre, loin des autres personnes qui ne peuvent que pervertir le récit privé et faire échouer la transmission. Comme les prophètes autoproclamés sont les seuls témoins des événements auxquels ils prétendent avoir participé, les résultats, tels qu'ils sont racontés par eux-mêmes, sont consignés au fil du temps pour que l'histoire préserve un narratif aussi claire et convaincante que possible pour les adorateurs potentiels.

La version yankee de la production religieuse mentionnée ci-dessus contient ces quatre éléments constitutifs et ne diffère des récits mythiques et historiques familiers que par le processus de production condensé et instantané, inhérent à sa culture d’éviter toute perte de temps. Cependant, toutes ces religions, anciennes et nouvelles, souffrent d’un défaut de production fondamental dans la mesure où elles cherchent à s’établir comme une institution et deviennent ainsi un groupe de promotion d’intérêts personnels. Contrairement aux religions individuelles extatiques, qui désirent maintenir l’intégrité de la création intacte et accueillir l’humanité entière, les institutions cherchent à attirer un groupe spécifique unique et à créer des barrières pour les autres.
Elles peuvent même diviser un groupe similaire en factions belliqueuses et en désunion, comme nous l’avons récemment vu de manière dramatique avec la scission entre l’Église orthodoxe ukrainienne et le Patriarcat de Moscou.

L’homme déchire ses églises, ses religions et ses dieux quand cela lui convient, peuplant son panthéon de guerriers combattants qui justifieront les combats que les humains lui confieront. Si l’humanité veut survivre, elle devra se définir non plus dans des idéaux à courte vue, des idéologies profanes, ordonnant à ses dieux de mener leurs guerres et de déchirer le monde, mais dans un idéal unificateur accessible à tous : la Terre Mère.

Comme l’a observé le théologien germano-américain Paul Tillich, « au lieu de transcender le fini en direction de l’infini, la religion institutionnalisée devient en réalité elle-même une réalité finie – un ensemble d’activités prescrites à accomplir, un ensemble de doctrines énoncées à accepter, un groupe de pression sociale parmi d’autres, un pouvoir politique avec toutes les implications de la politique de pouvoir ».

À l’opposé des religions institutionnalisées, nous trouvons la religion extatique, la célébration de l’esprit vivant présent dans notre cœur, où, avec l’aide de la nourriture de vie de la nature, les portes de la perception s’ouvrent pour le retour personnel au divin. Même lorsque les Huichols mexicains rendent visite à leurs dieux sur la montagne Wirikuta en groupe, leurs rencontres avec les dieux sont des événements personnels, en tête-à-tête. C’est l’interaction personnelle de chaque Huichol avec les dieux – et sa compréhension de ces derniers – qui le lie au divin, au maïs, au cerf et à ses ancêtres. Même le Marakame (chaman) n’intervient pas, par respect pour l’expérience extatique personnelle des participants du groupe, y compris leur rencontre individuelle avec le divin, l’extase. Les Huichols ne veulent donc pas que leur système de foi soit appelé une religion, car le terme est trop obscurci par des « institutions » profanes qui ont été importées de l’étranger.

L’ONU s’est déclarée compétente et autorisée à régir les politiques mondiales en matière de drogues et de croyances. Elle a assumé cette responsabilité de manière despotique et sournoise, comme les dieux du passé, en manipulant l’humanité pour qu’elle accepte l’interdiction des médecines libératrices de la nature et le musellement de l’esprit.
Tandis que leur Sommet de l’Avenir proclame que personne ne devrait être laissé pour compte, les Nations Unies ont atteint ici l’apothéose de leurs politiques réductionnistes dans l’exclusion sociale, l’enfermement carcéral et même la liquidation physique des humains en guise de punition pour leur quête individuelle de participation à la totalité de l’humanité et de la création.
En observant les résultats désastreux que la prohibition a provoqués depuis son adoption, comme l’ont souligné les mouvements internationaux des droits humains et de réduction des risques – soutenus par un corps scientifique croissant – qui vont à l’encontre de l’esprit unificateur des Nations Unies, nous voyons comment la guerre contre la drogue a conduit à une accélération de la criminalisation du système de contrôle des politiques des drogues, à la violation des droits humains, à la capture d’administrations complètes aux niveaux local et national par les mafias de la drogue et à une augmentation de l’épuisement des ressources de la Terre nécessaires à son développement durable.

En adoptant la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 et les conventions qui lui ont succédé, l’ONU n’a pas réussi à atteindre les objectifs énoncés dans l’article 1 de sa Charte, à savoir,
- maintenir la paix et la sécurité internationales,
- développer des relations amicales entre les nations fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits et de l’autodétermination des peuples,
- réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, culturel ou humanitaire, et en promouvant et encourageant le respect des droits humains et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ; et
- être un centre d’harmonisation des actions des nations en vue de la réalisation de ces objectifs communs.

En acceptant les droits individuels à la liberté de pensée, de conscience et de religion, l’humanité a, en principe, ouvert la porte aux religions institutionnalisées pour qu’elles puissent elles-mêmes satisfaire aux propres tests de l’ONU en matière de respect des droits humains – tests qui devraient être menés dans l’esprit même de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits humains.

C’est fort dommage, mais les mensonges que les Nations Unies ont utilisés pour dénier la légitimité aux religions de la nature par le biais de la Convention de 1961 ne passeraient pas un tel test, car ces mensonges imposés constituent la violation des droits humains la plus grave que l’on puisse imaginer. Non seulement en raison de l’ampleur des violations des droits auxquelles les victimes de l’interdiction ont été soumises – commises dans le monde entier, quotidiennement, sous la protection de l’ONU depuis l’introduction de la prohibition – mais surtout parce que le coupable, à savoir l’auteur à la fois de la Convention violatrice et de la Déclaration violée, s’est exempté de toute sanction. L’impunité est, une fois de plus, la marque de faux dieux, qui tirent leur pouvoir du consentement forcé de l’humain, dans une prétendue lutte contre des maux causés à l’humanité.

Inévitablement, le terme « criminel » doit être appliqué aux violations des droits de l’humanité par les Nations Unies. C’est une accusation légitimement portée contre l’ONU par ceux d’entre nous qui se réalisent que la Convention de 1961 est une incitation au crime de génocide.

Au sein du divin, le sens de l'unité et de la plénitude est honoré et exalté. C'est l'objectif que symbolise la mission des Nations Unies et qu'elle s'est solennellement engagée à poursuivre, et qu'elle paraissait consacrer dans des lieux où l'humanité peut la célébrer. À New York, Genève, La Haye et ailleurs dans le monde, dans ses palais de l'unité, témoignages de la quête victorieuse de l’humain pour l'humanité.

Cependant, c'est le divin qui est profané par les États membres de l'ONU, qui assassinent leurs semblables pour avoir choisi les transmissions divines de la Terre mère plutôt que les mensonges des autorités, leurs égaux. Les États membres de l'ONU sont ceux qui font des ravages dans la Nature - dont l’importance pour l’humain est révélée intimement par l’Aliment de la vie à ses initiés. C'est la plénitude intrinsèque à laquelle chaque être humain a droit dans l'homéostasie que la Terre mère fournit : notre retour divin chez nous, à notre maison.

L'humanité n'oublie pas : ODD18 - La protection de l’Aliment de la vie
Le cannabis est la plante médicinale la plus utilisée au monde. Non seulement pour ses effets psychoactifs mais aussi pour ses effets thérapeutiques pour le corps. Composé de plus de 400 substances chimiques différentes, il s'agit en tous égards d'un Aliment de la vie, car les variations de proportions de ces substances chimiques dans les préparations déterminent les effets sur les symptômes d'une grande variété de pathologies à traiter. Alors que ses valeurs thérapeutiques commencent à être à nouveau reconnues, le cannabis médicinal est légalisé dans un nombre croissant de pays, d'États et de communautés de niveau inférieur, mais il reste interdit dans une grande partie du monde, en raison de considérations politiques. Il se pourrait que la règlementation globale de l'usage du cannabis serait le chemin logique vers la réintroduction de la notion d'Aliment de la vie en tant que médicament de guérison pour la totalité de l'humanité et en tant que moteur de notre paix avec la Terre mère.
Un coup d'envoi symbolique aussi d’une expression mondiale de respect pour le don le plus généreux de la Terre à l'humanité, nous permettant de nous intégrer à nouveau dans notre environnement naturel. À cette fin, le Drugs Peace Institute propose au Secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres, de prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires pour promouvoir l’acceptation universelle du cannabis par sa reclassification dans la liste appropriée, ou sa déclassification totale.

Les gardiens de l’Aliment de la vie sont invités à soutenir la proposition adressée au Secrétaire général en signant la pétition à cet effet.

Nous fournissons ci-joint une copie de la lettre de la Fondation néerlandaise pour la société et le cannabis *(SMC, ou Stichting Maatschappij en Cannabis) aux membres de la Chambre des représentants néerlandaise, dont beaucoup venaient d'être élus pour la première fois, telle que transmise à la Drug Enforcement Administration (EE.UU.) à son invitation.
La lettre fournit des informations générales sur la politique néerlandaise en matière de drogues dites douces, une entreprise réussie depuis cinquante ans qui a réglementé l'usage du cannabis dans le cadre de la Convention unique de 1961 en exerçant un pouvoir discrétionnaire de poursuite, dans le plein respect des traités internationaux sur les drogues.
Un deuxième document, « Le colonel marocain: mon assassin préféré*», décrit comment les soldats marocains ont atténué le syndrome de stress post-traumatique par un traitement prophylactique en commençant la guérison de leurs blessures avant même le meurtre de leurs ennemis, grâce à l'automédication au haschisch, leur permettant d'accueillir leurs futures victimes dans leur cœur : Les autres, leurs frères.

Les deux documents décrivent l'utilisation intégrée du cannabis dans deux contextes complètement différents, à des fins différentes mais avec la même conclusion : l'usage adulte de substances interdites est possible si le régulateur respecte les motifs de l'utilisateur adulte, c'est-à-dire la guérison de l'esprit et du corps.

Version 02, 28 novembre 2024
par le Drugs Peace Institute

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Drugs Peace Institute  – Foundation, Chamber of Commerce Utrecht, The Netherlands, KvK 41213130 www.drugspeaceinstitute.org